dimanche 28 décembre 2008

[Le billboard du Mange Disque] : Bilans 2008



Les meilleurs albums


Emilien
1 A Silver Mt. Zion - 13 Moons For Thirteen Moons
Jamais ASMZ n'avait atteint un tel niveau d'intensité et de tension que dans cet album sec et désespéré, dans lequel chaque morceau est un hurlement d'une beauté incroyable. L'un des albums les plus touchants et puissants jamais fait. Les gens qui n'ont pas de frissons en écoutant Blindblindblind ont un coeur de pierre.

2 Final Fantasy - Spectrum, 14th Century/Plays To Please
C'est peut être un peu facile de regrouper deux e.p., mais ils sont tout les deux indispensables. On se demandait où Owen Pallett pouvait aller après le parfait He Poos Clouds, sommet de "pop de chambre" folle. Maintenant, on sait : encore plus loin.

3 Department of Eagles - In Ear Park
Avec presque rien et l'air de ne pas y toucher, le duo Department Of Eagles a sorti un album absolument magnifique. Compositions qui flottent dans l'air, baignées dans des arrangements d'une beauté inouïe. Voilà des gens qui ont compris ce qu'il fallait retenir des années 60 sans y rester. Lumineux.

4 Cheap Time - Cheap Time
Un groupe qui a parfaitement pigé la notion même de Rock & Roll. En 14 titres balancés nonchalamment et à toute allure, ils sortent l'album le plus jouissif de l'année. Le plus stupide aussi. Mais franchement, on s'en fout, c'est tellement parfait.

5 Parenthetical Girls - Parenthetical Girls
Peut être la surprise de l'année : voilà un groupe electro-folk-bizarre qui décide de se prendre pour Van Dyke Parks dans un album rempli de fougue et de violons délicieux, porté par un chant sensible et des morceaux mélodramatiques. Mine de rien, on a pas entendu de pop orchestrale aussi géniale depuis longtemps.

6 The Breeders - Mountain Battles
Album totalement à coté de la plaque, sorti d'une espèce de non-époque qui pourrait être les 60's comme 2042, Mountain Battles est un petit chef d'oeuvre bordelique et sobre qui nous rappelle que les soeurs Deal sont toujours capables de faire des morceaux tellement décalés qu'ils en deviennent les plus cools.

7 My Feet in The Air - Hoshi Mushi
Chaque année, des tas de gens nuls essayent de faire de la folk lo-fi mignonne et échouent. My Feet In The Air essaye ici pour la deuxième fois dans ce trop court e.p., et y arrive encore avec brio. Avec presque rien, tout un univers tient debout. Une perle.

8 Stephen Malkmus & The Jicks - Real Emotional Trash
Hé, Stephen Malkmus, t'es cool, et ton groupe aussi, et vous balancez les gros solos, et vous coupez pas les jams, et ça tape dur, et ça envoie méchamment, et puis soudain, paf, ça devient pop avec des choeurs pas possibles et on se dit "Hé, Stephen Malkmus, t'es cool, et ton groupe aussi, et..." (etc.)

9 Love Is All - A Hundred Things Keep Me Up All Night
Le rock indépendant? Non, c'est pas le reggae des "vampires du weekend", ou la pop façon méthode assimil de MGMT. Non, ce serait plutôt le crossover entre la pop moderne, le mur du son de phil spector et le post-punk-disco (sic) que Love is All continue a faire dans son deuxième album.

10 The Dutchess & The Duke - She's The Dutchess, He's The Duke
Il y a des passéistes absolument insupportables qui pompent les Beatles pompiers et qui nous font croire que c'est leur "grand retour". Y'a des types bloqués en 1966 comme The Dutchess & The Duke qui sortent d'excellents albums folk remplis de morceaux entêtants. Deux écoles.

Christopher
1 Man Man – Rabbits Habits
Du plaisir en boîte. Une ambiance de vieux tripot où les images se bousculent. Parfait de bout en bout.

2 The Mars Volta- The Bedlam in Goliath
C'est virulent, pétaradé, ça part en trombes !!

3 A Silver Mt. Zion – 13 Blues for Thirteen Moons
Cet album aurait pu aisément trôner en première place. On ne peut rien en dire, juste apprécier. On part dans l'iréel, l'intense, ça touche pile et droit au coeur.

4 Pas Chic Chic – Au contraire
Plus grande surprise de l'année. Originalité à toute épreuve, qualité incontestable, vivement la suite !

5 The Last Shadow Puppets- The Age Of Understatement
Une écriture incroyable, des orchestration dantesques. Des airs de vieux Westerns sous une pluie Londonienne. Illogique mais c'est ce que dégage ce magnifique album.

6 Phoebe Killdeer – Weather’s Coming
Une espèce de folk cabaret à écouter en boucle.

7 Guapo - Elixirs
Indescriptible.

8 Department Of Eagles – In Ear Park
Jamais ne remercierai assez Emilien pour cette découverte. On en aurait des envies de se mettre à la guitare et de monter un groupe.

9 Akoya Afrobeat – P.D.P
Album passé totalement inaperçu. De l'Afrobeat faite par des mecs venant du Nouveau Mexique, du Japon, de Taïwan...Sur 13 membres seulement 3 sont noirs, cherchez l'erreur...

10 Zach Hill - Astrological Straits
Un gros morceau que cet Astrological Straits. Son entrée dans mon top était compromise mais l'apocalyptique Necromancer ne pouvait le laisser hors de ma liste.

François
1 Portishead - Third
Une beauté noire intemporelle et bouleversante.

2 Man Man - Rabbit Habits
Nos boute-en-train les plus originaux et drôles de l'année.

3 The Last Shadow Puppets - The Age of the Understatement
Le romantisme des années 60 croisé avec le western spaghetti de Sergio Leone venant d'un Arctic Monkeys : pas un miracle, une révélation.

4 The Mars Volta - The Bedlam in Goliath
Une décharge d'énergie à la limite de l'acceptable, 100 idées à la minute, un excès d’aigus, toujours trop de notes : ils explosent les barrières du raisonnable.

5 Pas Chic Chic - Au Contraire
Une pop rétrofuturiste francophone : si si, ça existe (et l’album est enfin distribué en France à partir du 19 janvier 2009 par Differ-Ant).

6 Snowman - The Horse, the Rat and the Swan
Un son inclassable qui rend noble le rock dit « gothique ».

7 A Silver Mount Zion - 13 Blues for Thirteen Moons
Épique, généreux, humain.

8 Fuck Buttons - Street Horrrsing
Un des rares groupes sachant combiner bruit et volupté mélodieuse, entre Pink Floyd et Merzbow.

9 Marnie Stern - This Is It and I Am It and You Are It and So Is That and He Is It and She Is It and It Is It and That Is That
Une autodidacte et virtuose de la guitare pour une pop mathématique décomplexée.

10 Deerhoof - Offend Maggie
La musique déglinguée de Deerhoof n’aura jamais été aussi bien cadrée et profonde, et contre toute attente cela leur réussi finalement beaucoup.


Les pires albums

Emilien
1 Of Montreal - Skeletal Lamping
Je n'ai aucune envie de parler de cette merde plus que je ne l'ai déjà fait.

2 Mogwai - The Hawk is Howling
N'empêche, c'est en disant du mal de ce groupe pleurnichard qu'est Mogwai que j'ai eu le plus de commentaire sur une chronique. C'est aussi désespérant que le fait que ce groupe n'a pas encore splitté.

3 Women - Women
Je met cet album dans le top of the worst, mais avec lui, je vise aussi tout les sous-doués qui s'imaginent qu'il faut juste empiler des gimmicks vachement bizarres pour faire du rock un peu expérimental, alors que le tout sonne comme du sous-Deerhunter, qui sonne comme du sous-Liars, etc.

4 The Dead Science - Villainaire
Malgré ce qu'en dit François, Villainaire est un album proprement insupportable, qui en fait trop dans le trémolo outré et la musique terrifiée. Et c'est pas parce que le bassiste a aidé à faire l'album des Parenthetical Girls que je vais être gentil. Encore moins même, parce que ça prouve qu'ils sont pas idiots en plus!

5 Cat Power - Jukebox/Dark End Of A Street
Ah! Chan Marshall! Souviens toi! 2003! You Are Free! Immense monolithe de tristesse dépouillée! Depuis, tu t'es transformée en sous-chanteuse de soul qui couine sur des reprises paresseuses aux instrumentations façon ascenseur. Ce n'est pas grave. Je ne te blâme pas.

Christopher
1 Sébastien Tellier – Sexuality
Une demi-douzaine d'écoutes n'y feront rien cet album reste pour moi la plus grosse blague de l'année. Plat, arrogant, maladroit, chiant. Un dessous de verre tout au plus.

2 Bloc Party – Intimacy
Ce qui est bien avec les blagues c'est que ça se refile souvent entre potes. Apparemment Tellier a un peu trop traîné avec eux...

3 Foals - Antidotes
Entre mauvaise copie d'un Battles à la sauce glandu et tentative de faire quelque chose d'original en faisant croire que ça l'est mon coeur a balancé pour finir par vomir.

4 The Vines – Melodia
Enorme déception. On les attendait là où ils ne sont pas venus. On espérait qu'ils arriveraient à se renouveler. Triste à dire, et j'espère me tromper, les bonnes choses ont une fin.

5 Lenny Kravitz- It’s Time for a love Revolution
si javé u 13 an joré just di : LOL !

François
1 Guns N' Roses - Chinese Democracy
17 ans de gestations pour une bouillie de rock de stade: ça valait le coup d'attendre.

2 Bloc Party - Intimacy
Ce n'est pas bien de tromper les gens.

3 Mogwai - The Hawk Is Howling
Euh, c'est bizarre je suis persuadé d'avoir déjà entendu ça il y a 10 ans.

4 Pivot - O Soundtrack My Heart
On peut ne peux pas leur en vouloir d'avoir essayé, par contre il est nécessaire de les oublier.

5 Lenny Kravitz - It Is Time for a Love Revolution
Mais pourquoi?


Les meilleurs morceaux

Emilien (en vrac et sur des albums qui ne sont pas dans mon top)
Transformer - Marnie Stern
Tapping, voix aiguë crispante, batterie jouée par Zach Hill. Tout pour donner la nausée. Et pourtant, c'est jouissif, épique, bordelique, bref absolument brillant. Une grande chevauchée pop que rien n'arrête. Marnie, t'es la meilleure.

Dark Art - Zach Hill
Son album était plus indigeste que ce qui m'attend pour Noël, surtout dans son grand disque bonus "Nectromancer", gros jam onaniste de 33 minutes, mais au milieu de tout ça, il y a Dark Art, seul morceau réussi, et réussi avec un brio pas possible. Zach Hill, arrête de faire n'importe quoi et fait des refrains aussi parfait que celui là, pour qu'on chante avec toi "We didn't know what we thought we know! oh oooh ooooh! ahhhhhhhh"

Fresh Born - Deerhoof
Quoi? Moi, le fan ultime de Deerhoof, j'ai pas parlé de Offend Maggie? Oui, parce que l'album m'a un peu déçu et que je ne me voyais pas dire du mal de Deerhoof. Par contre, ça n'a pas empêché le groupe de sortir des morceaux parfaits comme ce Fresh Born.

Handy Man - Cheap Time
Hé, le tube ultime de rock de la décennie, c'est ce morceau là, je le dis comme ça en passant, histoire de.

Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O. - Planet Billions Of Light-Years Away/Circular System 7777777/Milky Way Star
Un riff de 6 notes : quasiment une heure de trip cosmique et de jams qui passent du disco au rock des étoiles. Jamais AMT n'a été un groupe aussi brillant. La, mi, ré, la, sol, do# (ad lib).

Christopher
1 Blindblindblind - A Silver Mt. Zion
C'est le genre de choses qu'on ne consomme qu'une fois, qu'on ne veut altérer. On les écoute comme une récompense. Pour moi ça a été la plus belle de l'année.

2 Sexual Eruption - Snoop Dogg
C'est avec le clip que ce morceau prend toute son ampleur. Comme je l'ai dit de façon aveuglée à François : "c'est le morceau le plus ouf de ces 5 dernières années mec". Pour moi Snoop a tout compris. Les 4 premières notes de synthé l'illustrent bien: dix ans de musique condensées en quelques secondes. Dommage que le reste de l'album soit poussif.

3 Ouroboros - The Mars Volta
C'est ce que l'on nomme vulgairement par l'expression : " une tuerie !"

4 Gobbledigook - Sigur Rós
Il y a quelque chose de physique dans cette chanson. Le rythme a des airs de battement de coeur, le chant des couleurs angéliques; le tout dans une espèce de cacophonie quasi organique. C'est vicéral ça vous prend aux tripes. Un grand regrêt: c'est le seul titre vraiment valable de l'album pour moi.

5 Crash-Pad Driver - Poni Hoax
On y verrait Joy Division réscussité.

François
1 Halfway Home - TV On The Radio
Une ouverture d’album tétanisante, faite de voix en onomatopées, d’un horizon de guitares froides et d'une avalanche de percussions brillantes.

2 A Song For Ellie Greenwich - Parenthetical Girls
Un modèle d’élégance hypnotique.

3 Boom! (Money) - Skeletons
Une sorte de transfiguration du National Anthem de Radiohead sur 11 minutes : cacophonie free jazz, guitares cisaillées et chant mélodramatique subtil.

4 Witch - Maps & Atlases
Les dignes voyageurs évoluant sur la voie toute tracée par Battles (dans un registre plus pop) se retrouvent peut être enfin là.

5 Necromancer - Zach Hill
30 minutes d’improvisation piano/batterie avec un Zach Hill au maximum de sa folie.


Les meilleurs concerts

Emilien
1 Otomo Yoshihide @ Maison de la Culture du Japon, Paris, 27 septembre
Trio guitare-contrebasse-batterie avec le génie de l'expérimental japonais, et paf, ça donne un live improvisé de 1h40 brillant et bruyant, qui croise le free-jazz et le noise-rock sans jamais perdre de vue les mélodies. Un exemple.

2 Acid Mothers Temple & The Melting Paraiso U.F.O. @ St Ouen, 19 novembre
L'expérience Acid Mothers Temple se vit en live. Or, on a peut être jamais vécu un trip ultime avec un groupe de rock avant de connaitre Acid Mothers Temple. Donc, voir Acid Mothers Temple en live est une obligation, un devoir, un pillier du rock, le truc à faire avant de mourir. Moi je l'ai fait. C'était ultime.

3 Lightning Bolt @ Maison de la Vilette, Paris, 29 novembre
Quand on réussi, comme moi, à être assis au premier rang à un concert de Lightning Bolt, sans être donc continuellement noyé dans la fosse, je vous le dit, on se rend compte que nous avons là deux très grands musiciens. Les nouveaux morceaux promettent un album dévastateur, aussi dévastateur que la version de Dracula Mountain qu'ils nous ont fait vivre dans nos tripes.

4 Parenthetical Girls + Deerhoof @Trabendo, Paris, 19 décembre
Une fameuse soirée. En dehors des groupes ultra nuls qui les accompagnait (je pense à Stanley Kubi), ces deux groupes ont été épatants. Révélation pour les premiers. Immense confirmation de la puissance live du groupe pour les seconds. Je n'ai jamais vu une heure de concert passer aussi vite qu'avec Deerhoof. Meilleur groupe.

5 A Silver Mt. Zion @ Bataclan, Paris, 11 novembre
En formation de combat, obligés de se dépasser pour pallier l'absence de deux membres du groupe, le groupe a donné un concert brillant, qui faisait honneur à leur merveilleux album. Le tout accompagné d'un Efrim qui a sorti quelques unes des blagues les plus drôles que j'ai entendues en live.

Christopher
1 Magma @ Théâtre Alexandre Dumas, Saint Germain En Laye, 5 avril
Ne dirais-je jamais assez que c'est le meilleur groupe de tous les temps ? Malgré un changement d'équipe Magma est toujours là; puissance, intensité, vivacité, maitrîse. Zheul !

2 The Mars Volta @ Olympia, Paris, 5 mars
Un concert fleuve. Jouissif tant sur le plan auditif que visuel. On en sort épuisé mais terriblement heureux !

François
1 Magma @ Théâtre Alexandre Dumas, Saint Germain En Laye, 5 avril
Trois départs précipités, un nouveau chanteur et un nouveau claviériste impressionnant (qui a appris le répertoire entier du groupe en quelques semaines) : Magma redouble de puissance.

2 The Mars Volta @ Olympia, Paris, 5 mars
3h non-stop d’intensité électrique.

3 Radiohead @ Bercy, Paris, 9 juin
Même si de gigantesques salles de concerts comme Bercy ne conviennent évidemment pas à la musique du groupe cérébral le plus populaire, ils arrivent par magie à nous le faire oublier.

4 The Snobs @ Courances, 23 mai
Idée géniale : jouer en live la musique de leurs courts métrages foutraques projetés devant le public.

5 Animal Collective @ L'Alhambra, Paris, 24 mai
Des voix lumineuses hallucinées sur de l’électronique artisanale : nul besoin de substances pour partir loin.


Les artistes du passé découverts cette année
(car ne l'oublions pas, "c'était mieux avant!")

Emilien
1 Daniel Johnston
Musicien de génie aux chansons brutes, il a sorti dans les années 80 une série de cassettes ultra lo-fi enregistrée avec presque rien qui sont des modèles de songwriting à fleur de peau. Son album "1990" sur lequel participent des membres de Sonic Youth est un chef d'oeuvre de tristesse profonde, composé par un type malade (bipolaire), obsédé par le diable et les Beatles, qui allait commencer une longue période en asile psychiatrique. Il tourne encore (il était à Paris en octobre, dans un live un peu chaotique mais génial), compose encore malgré tout. Un héros.

2 Pavement
Longtemps, Pavement a été trop cool pour moi, trop branleur, trop américain, trop fou, trop tout. Et puis un jour, j'ai compris. J'ai écouté Stereo, et j'ai parfaitement pigé pourquoi on dit autant de bien de ce groupe. Finalement, il faut croire la légende, le meilleur groupe de rock américain des 90's, c'est Pavement, tout simplement. Ecoutez Brighten The Corners ou Wowee Zowee, vous comprendrez. Enfin, plus rapidement que moi j'espère.

3 Tom Waits
Je suis longtemps passé à coté de Tom Waits. Un jour, j'ai écouté Small Change. Je me suis immédiatement rendu compte que je tenais là l'un des albums les plus beaux que je n'avais jamais entendu. C'est aussi simple que ça. La voix de Tom Waits est une bête blessée qui donnerait des frissons à une pierre.

4 Ground-Zero
Fondé par Otomo Yoshihide, ce génie, Ground-Zero était le fer de lance de la scène expérimentale japonais dans les années 90. A coté d'albums foutraques qui melaient noise rock, jazz hardcore et samples, le groupe a sorti deux chefs d'oeuvre qui méritent une écoute de la part de n'importe qui : Consume Red, grand Boléro hardcore de 57 minutes basé sur un seul sample de flute qui est une expérience de violence sonore monstrueuse. Et Revolutionnary Pekinese Opera, grand capharnaüm de samples et de bruits divers qui tient miraculeusement débout : peut être l'un des meilleurs albums expérimentaux jamais fait.

5 Randy Newman
Ce que je vous propose de faire, c'est d'écouter son album Sail Away et de se rendre compte que, dans les années 70, c'était un songwriter absolument immense, à la fois ironique, très très féroce parfois, mais qui pouvait sortir quelques ballades à pleurer. Randy Newman! Le mec de Toy Story ouais!

Christopher
1 Charles Mingus - The Black Saint And The Sinner Lady, 1963
Artiste cité dans toutes les anthologies du jazz mais inconnu pour moi. J'aurais juré qu'il était saxophoniste, il s'avère être bassiste. Album phare de l'artiste, The Black And The Sinner Lady est un incroyable tableau cinématographique où les ambiances sombres et tortueuses s'entremellent, basculant entre plusieurs époques, plusieurs continents.

2 Miriam Makeba – Miriam Makeba, 1960
J'avais toujours entendu parlé de la "Mama Africa" mais jamais je n'eu envie de me pencher dessus. C'est une réelle claque que j'ai pris. Une époque, une culture, un art; résumés dans 35 minutes de voyage.

3 Milton Nascimento – Milton, 1976
Découvert par l'album Courage, Milton surprend encore par sa voix, linéaire, monotone. Album avec des sonorités plus latines que Courage, et tout aussi agréable.

4 Millie Jackson – Caught Up, 1974
Sublissime soul épique

5 Frank Zappa - Absolutely Free, 1967 (et tout le reste).
La réelle découverte de cette année pour moi. Un bon mois à tenter de faire le tour de toute sa discothèque. Avec une cinquantaine d'albums à voir l'opération était quasi impossible. Zappa surprend par son originalité, son humour et sa virtuosité.

6 Machito – Kenya, 1957
Un jazz d'orchestre aux sonorités cubaines et africaines. Une ambiance de vieux club des années 20 : parfait !

7 Albert Ayler Trio - Spiritual Unity, 1964
Un des saxophonistes les plus surpennants que j'ai écoutés. Du vrai Jazz Modal. On y verrait Coltrane dans ses moments les plus torturés.

8 Sly & the Family stone – A Whole New Thing, 1967
Rencontre de la pop, du funk et du rock. Terriblement dansant.

9 Stevie Wonder – Innervisions, 1973
Je le conaissais par son Song In The Key Of Life, oeuvre démesurée par sa longueur, sa technicité et son originalité. Une boîte à tubes. Innervisions confirme quelques années plus tôt que Wonder aura marqué, si ce n'est tout, une très grosse partie de toute la musique R'n'B actuelle.

10 Leon Ware – Musical Massage, 1975
Aurais-je le culot d'affirmer que Marvin Gaye à complètement pillé dans son I Want You le Musical Massage de Leon Ware ? Oeuvre indispensable !

François
1 Brian Eno - Here Come The Warm Jets, 1973; Taking Tiger Mountain, 1974
Avant de s’attarder sur l’ambiant, il faut savoir que Brian Eno était avant tout un génie pop, créateur de deux albums visionnaire et jouissifs.

2 Leonard Cohen - Songs of Leonard Cohen, 1967; Songs of Love and Hate, 1971
Pure poésie plaintive.

3 Van Dyke Parks - Songs Cycle, 1968
Ce pourrait être la BO du Disney le plus psychédélique et dérangé qui soit.

4 The Slits - Cut, 1979
4 filles complètement déconnectées des conventions et sous LSD qui emmènent le reggae vers le post punk et la pop.

5 Boredoms - Super æ, 1998; Vision Creation Newsun, 1999
La transe japonaise au plus haut point.

6 Jim O'Rourke - Bad Timing, 1997; Halfway to a Threeway, 1999
Réduire ces albums à du John Fahey orchestrale et moderne serait grossier.

7 Tim Buckley - Discographie de 1966 à 1970
Une évolution passionnante, de la folk/pop des premiers albums à l’avant-garde chamanique de Lorca et de Starsailor, portée par cette voix chaude aux richesses infinies.

8 John Fahey - Fare Forward Voyagers, 1973
Deux mains et 5 cordes pour de sublimes paysages instrumentaux de 20 minutes.

9 Jesus Lizard - Goat, 1991; Liar, 1992
Difficile de trouver rock plus brutal.

10 Glenn Branca - The Ascension, 1981
Des murs de guitares dissonantes orchestrées sur une batterie martiale : la musique classique du rock.


Les plus grandes attentes pour l'année 2009

Emilien
1 Final Fantasy - Heartland
Je demande l'album le plus classe de la décennie, sinon rien.

2 Un nouveau jim o'rourke?
Hé, il parait qu'il est au travail et que c'était presque fini! En cet été, au Japon, il a rejoué des morceaux de ses albums pop (Insignificance ou Eureka)! Ce serait bien! Un album pop! Comme avant! Jim! Penses y!

3 Le nouveau Sonic Youth
Thurston moore a dit qu'il sortirait au printemps. Je serais pas contre un petit chef d'oeuvre.

J'écouterais aussi avec attention les nouveaux Animal Collective, Franz Ferdinand, Asobi Seksu. Et, évidemment, on pourra compter sur les gens qui sortent des tas d'albums tout les ans, comme Acid Mothers Temple (4 albums cette année), Jandek (5) ou Merzbow (7 en solo, sans compter les collaborations).

Christopher
1 Magma - Ementhet-Ré, 2009
2 Animal Collective - Merriweather Post Pavilion, 12 janvier
3 Michael Jackson - Grosse Rumeur, début 2009

François
1 Animal Collective - Merriweather Post Pavilion, 12 janvier
2 Franz Ferdinand - Tonight: Franz Ferdinand, 24 janvier
3 Beirut - March Of The Zapotech / Holland EP, 17 février
Et pour les sorties floues sans date officielle : Magma, Sonic Youth, Final Fantasy et The Mars Volta.

dimanche 21 décembre 2008

[Tourne Disque] : Stereolab - Chemical Chords

Label: Duophonic / 4AD
Sortie: 18 Aout 2008
4/5











Il est difficile de comprendre le peu de reconnaissance accordé hors des milieux underground à Stereolab, groupe anglais de pop motorik puisant savamment dans le krautrock et la pop sixities. Menée par le compositeur Tim Gane et la chanteuse Laetitia Sadier (aux textes aussi bien en français qu’en anglais), leur musique voluptueuse, raffinée et expérimentale, s’étale déjà sur une discographie évolutive de 9 albums dont 3 chefs d’œuvre (Transient Random-Noise Bursts With Announcements, Emperor Tomato Ketchup et Sound-Dust). Incompréhensible. Et ce Chemical Chords est une petite merveille. La production un peu bubble-gum de l'album précédent est délaissée, pour revenir aux fondamentaux avec des morceaux qui gagnent en concision et en simple beauté formelle.

C’est une des plus belles propositions pop que j’ai pu entendre cette année, faite par un groupe doué et humble, qui mériterait sa place dans le rang des groupes unanimement respectés à côté de Radiohead ou de Portishead. Les morceaux doucement psychédéliques s’accompagnent toujours d’un groove génial, de petites ritournelles électroniques et du chant élégant (trop souvent jugé de froid) et unique de Laetitia Sadier. Avec la contribution de Sean O’Hagan des High Llamas, les lignes multicolores et gracieuses des compositions se densifient avec de sublimes orchestrations romantiques. Seul Stereolab sait nous projeter dans l'époque bénie de la pop des années 60 avec invention et modernité.

François

Extrait vidéo de l'album:
Stereolab - Neon Beanbag

mercredi 17 décembre 2008

[Le billboard du Mange Disque] Albums 2008 : le Top des Blogs

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15 blogs, un classement de 20 albums par blog, 195 disques cités, quelques débats, et un article unique posté par tout le monde le même jour à la même heure... Nous sommes fiers de vous présenter le classement des meilleurs albums de 2008 vu par 15 blogs musicaux francophones.

L'idée était, non seulement, de confronter les points de vue de bloggers tous spécialisés dans la musique via des approches bien différentes (chroniques de disque, actualité, photos, interviews ou encore billets d'humeurs), mais aussi de réaliser un projet fédérateur afin de mettre en avant les interactions qui existent de plus en plus entre nous. Il en résulte une sélection de 15 disques. Certains sont une surprise, d’autres étaient plus qu’attendus, mais tous ont mérité leur place ici.

C'est la première fois que nous nous lançons dans une telle démarche. Comme tout classement, le nôtre est probablement imparfait et relève d'un consensus entre personnalités ayant des goûts très différents, mais comme les articles que nous postons chaque jour, il a été réalisé avec passion et honnêteté, sans jamais se prendre trop au sérieux. De par les différents bloggeurs qui l'ont composé, nous espérons qu'il aura du sens à vos yeux et qu'il vous permettra de refaire quelques découvertes. En espérant pouvoir remettre ça en 2009.

- Les 15 Blogs qui ont participé au projet -

Blog Culturel
Dans mon Mange Disque
Des Oreilles Dans Babylone
Force Critique
I left without my hat
J'écoute de la musique de merde
Good Karma
Le Choix de Mlle Eddie
Le Hiboo
Let's Be Critical
L'Oreille en Feu
Parlhot
Playlist Society
Pop Revue Express
The Man of Rennes


- Le Top des Blogs 2008 -

01) PORTISHEAD - Third


02) ALAIN BASHUNG - Bleu Pétrole


03) TV ON THE RADIO - Dear Science


04) MGMT - Oracular Spectacular
Oracular Spectacular cover

05) SIGUR ROS - Med sud i eyrum vid spilum endalaust


06) SHEARWATER - Rook


07) PONI HOAX - Images of Sigrid


08) BLACK MOUNTAIN - In the Future


09) DEPARTMENT OF EAGLES - In Ear Park


10) THE LAST SHADOW PUPPETS - The Age of Understatement


11) SANTOGOLD - Santogold


12) FOALS - Antidotes


13) THE MARS VOLTA - The Bedlam In Goliath


14) MAN MAN - Rabbit Habits


15) THE WALKMEN - You & Me


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- Les 20 meilleurs disques retenus par le Mange Disque -

1) A Silver Mt. Zion - 13 Blues for Thirteen Moons
2) Man Man - Rabbit Habits
3) The Mars Volta - The Bedlam in Goliath
4) Pas Chic Chic - Au Contraire
5) The Last Shadow Puppets - The Age of the Understatement
6) Department Of Eagles - In Ear Park
7) Marnie Stern - This Is It and I Am It and You Are It and So Is That...
8) Portishead - Third
9) Stephen Malkmus - Real Emotional Trash
10) Zach Hill - Astrological Straits
11) Final Fantasy - Spectrum, 14th Century
12) Cheap Time - Cheap Time
13) The Breeders - Mountain Battles
14) Snowman - The Horse, the Rat and the Swan
15) Phoebe Killdeer - Weater's Coming
16) Guapo - Elixirs
17) Fujiya & Miyagi - Lightbulbs
18) Love Is All - A Hundred Things Keep Me Up At Night
19) Fuck Buttons - Street Horrrsing
20) Sonic Youth - SYR 7

dimanche 14 décembre 2008

[Tourne Disque] : Parenthetical Girls - Entanglements

Label : Slender Means Society
Sortie : 9 Septembre 2008
4,5/5














C'était presque le rêve de Zac Pennington, chanteur et tête pensante du projet Parenthetical Girls. Après un premier album co-produit par le leader de Xiu Xiu, et très proche d'ailleurs de la scène électro-folk à fleur de peau de ce groupe, il a eu l'idée, en 2005, d'un album bien plus ambitieux, un véritable "Song Cycle", cela dans les deux sens du terme. D'un coté, se placer dans la lignée de pop orchestrale de l'album du même nom de Van Dyke Parks (qui le groupe a t-il mis dans une mixtape pour décrire les influences de l'album? Parks, voilà qui, je ne suis pas qu'un monomaniaque qui veut placer le nom de son chouchou partout). De l'autre, de réaliser tout simplement un "cycle" de chansons qui raconteraient une véritable histoire en formant un grand tout. Mais un projet pareil demande de l'argent et une certaine science de l'arrangement, ce que cet autodidacte n'avait pas. Préférant laisser tout cela de coté en attendant, le groupe a sorti entre temps en 2006 un album plus proche du premier, un peu lo-fi, un peu électro, un peu folk, nommé Safe As Houses. A l'issue de la sortie de cet album, couronnée de critiques très positives, le groupe a été rejoint par différents multi-instrumentistes et s'est alors à nouveau penché sur ce projet. Finalement, avec l'aide de Jherek Bischoff (du groupe The Dead Science), au bout de 3 ans de travail et de sessions avec des tas de musiciens, Entanglements était terminé. Un album ambitieux mais très éloigné du son habituel du groupe, que ce soit sur les précédents albums ou même encore aujourd'hui en live, ce qui désappointa certains fans obtus, ainsi que certains critiques qui passèrent rapidement à autre chose, parfois en se moquant de ces post-ado écorchés qui s'étaient poudrés de trompettes.

Erreur monumentale, Entanglements est un outsider démentiel qui mérite qu'on s'intéresse à lui, et vite, tant il est l'un des albums les plus beaux et les plus réussis de notre année finissante. Au niveau de la forme, sa très grande force, c'est la puissance de ses compositions appuyées par les arrangements denses mais délicats qui les magnifient. Dès le premier morceau, Four Words, on est emporté dans un tourbillon d'instruments lancés à toute vitesse. Les violons s'envolent, des vibraphones résonnent, le piano martèle des accords majestueux, une harpe égrène quelques notes venues du ciel, des petites flûtes naviguent dans l'harmonie, des castagnettes claquent, tout cela explose dans un carnaval de lumière à l'efficacité redoutable, même dans les territoires dangereux et parfois effleurés de la dissonance. Tout l'album se place dans cette beauté là, surannée mais distinguée, semblant venir parfois de la musique classique dans la forme, mais sans jamais perdre de vue l'aspect terriblement pop que peut prendre un orchestre, si tant est qu'on sache l'utiliser. Ce n'est sans doute pas un hasard si le groupe reprend le magnifique et déprimé Windmills Of Your Mind, morceau popularisé par Dusty Springfield aux USA mais co-composé à la base par le géant Michel Legrand (oui, le monsieur des Demoiselles de Rochefort, entre autres), qui était lui aussi un maître du refrain parfait baigné dans des instrumentations sophistiquées. On en vient même à penser à des compositeurs contemporains comme Gavin Bryars au début du morceau-titre, avec ses couches de cordes habilement composés, tout ça avant que le morceau explose dans une mini-symphonie jouissive. C'est dans ces moments épiques, ou quand les morceaux se lancent dans des ambiances façon Big Band 30's, comme dans le parfait Unmentionables, que le groupe se place clairement en digne successeur de Van Dyke Parks. C'est dans ces moments là que la conversion du groupe vers la pop orchestrale est la plus géniale et montre qu'ils ont tout compris, de la même façon qu'un Owen Pallett dans son projet Final Fantasy ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'on pense à son He Poos Clouds ou ses derniers e.p. en écoutant Entanglements.

Mais toute cette débauche de moyen n'est jamais vaine, et n'est là que pour contraster avec la tristesse qui habite toute l'oeuvre. On l'a dit, cet album était sensé raconter une histoire, et c'est justement là que Entanglements contraste avec l'image qu'on peut se faire de la pop orchestrale : en effet, les 11 morceaux parlent avec une violence invisible de sexualité adolescente, d'une histoire d'amour entre un garçon de 25 ans et une fille de 14 ans, de peines, de joies, de désir, de peur, parfois avec une certaine crudité. Construit en deux parties et décrivant le passage de l'adolescence à l'âge adulte, l'album évolue, et les morceaux prennent ainsi peu à peu un tour plus tragique, quasiment mélodramatique, mais en jouant avec subtilité avec le pathos. De la mélancolie souriante des premiers morceaux, on tombe rapidement dans des compositions sublimes et déprimées, comme dans le sublime Young Eucharists avec ses clavecins qui portent en eux toute la tristesse du monde quand ils appuient sur des accords qui prennent aux tripes. On est presque dans une ambiance funèbre dans Abandoning, et sur l'éblouissant final qu'est This Regrettable End, dont le titre est déjà explicite, on ne peut s'empêcher de penser aux compositions d'un Danny Elfman, à la fois magnifiques et tirant des larmes : en quelques accords déprimés, portés par des choeurs fantomatiques, les violons font frissonner, et l'on rêverait que cela ne finisse jamais. Il y a une simplicité et une universalité dans ces instants qui est précieuse et rare. Mais ce qui transmet totalement à l'auditeur toute la puissance émotionnelle de cet album, c'est la voix de Zac Pennington, véritable clé de voûte de l'ensemble. C'est quand elle s'envole dans des falsettos sur le fil du rasoir en plein milieu de mélodies incroyablement composées que l'album atteint son apogée. Souvent, elle tremble, elle vibre, elle se déplace entre le grave et l'aigu, entre délicatesse et envolées, mais elle appuie toujours quand il faut, soulignant toute la détresse des personnages qu'elle fait vivre. C'est peut être cela qui déplaira à certains, cette voix qu'on pourra trouver ridicule, ou trop maniérée. Mais c'est justement parce qu'elle porte en elle des émotions crues mais simples que l'album en est si touchant et si beau. Et c'est par la conviction de cette voix que l'on y croit, et qu'à aucun moment l'album ne tombe dans le larmoyant.

Voyage pour les tympans et véritable coup au coeur, l'album des Parenthetical Girls est précieux, tant il réussi son pari orchestral avec brio et sans jamais perdre les émotions brutes qu'il cherche à transmettre à l'auditeur. Qu'on y rit ou qu'on y pleure, les 32 minutes d'Entanglements sont absolument brillantes, puissantes et émouvantes. Un album à découvrir absolument. Le pathétique est rarement aussi sublime.

Emilien.

un lien : www.myspace.com/parentheticalgirlsband

Extrait vidéo de l'album :
Le clip de "A Song For Ellie Greenwich" (qui était une chanteuse pop des 60's pour mémoire )

Parenthetical Girls - "A Song For Ellie Greenwich" from judesays on Vimeo.

mercredi 10 décembre 2008

[Tourne Disque] : Made Out Of Babies - The Ruiner

Label: The End Records
Sortie: 24 Juin 2008
3,5/5





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Dès les premières mesures de The Ruiner, on se sent brusquement happé par la puissance sonique du quartet Made Out Of Babies. Ces musiciens ont le don, à la manière de Jesus Lizard ou de Dazzling Killmen, d’envoyer des blocs d’électricité lourds et imposants de façon unie, pour ravager l’auditeur tel un rouleau compresseur. Leur metal animal préfère trouver sa force dans une production à la fois ample et rêche, plutôt que dans les riffs véloces et lisses habituels au genre (d’où l’appellation journalistique de post-metal pour les qualifier). Mais c’est surtout la performance de la chanteuse Julie Christmas qui fait monter le groupe à des sommets d’intensité corrosifs. Sa palette vocale, d’une richesse saisissante, excelle aussi bien dans les cris écorchés que dans les complaintes plus mélodieuses. Comme me l’a très bien fait remarquer un des membres du groupe The Snobs, on pourrait facilement rapprocher le chant Julie Christmas à celui d’une Joanna Newsom en furie.

The Ruiner est un vrai parcours du combattant, une lutte acharnée entre les instruments amplifiés et les cordes vocales. Oui, ça gueule beaucoup, ça fait beaucoup de bruit, alors si on écarte les morceaux plus dispensables en ne retenant uniquement les 4 morceaux phares de l’album (Cooker, Grimace, Bunnys Boots, et How To Get Bigger), cela en fait un excellent EP dévastateur de 20 minutes.

François.

Extrait vidéo de l'album:
Made Out Of Babies - Cooker

dimanche 7 décembre 2008

[Tourne Disque] : Pavement - Brighten the Corners: Nicene Creedence Edition / Stephen Malkmus & The Jicks - Real Emotional Trash

Pavement - Brighten the Corners: Nicene Creedence Edition
Label : Matador Records
Sortie : 9 Decembre 2008
Sortie originale : 11 Février 1997
L'album original : 5/5
La réédition : 4/5








Stephen Malkmus & The Jicks - Real Emotional Trash
Label : Matador Records
Sortie : 4 Mars 2008
4/5









Le premier morceau que j'ai entendu de Pavement, c'était We Dance. En intro, il y a une guitare acoustique jolie, des petites notes de piano éparses. Soudain, la voix de Stephen Malkmus se lance, légère, et débute un "There is noooo..." émotif et un peu freluquet. Mais, patatras, la seconde d'après, la suite d'accord s'effondre sur un accord de septième pas prévu, et Malkmus finit sa phrase : "...castration fear". Tout Pavement est là. Cet art de tomber à coté de ce qui est attendu pour donner quelque chose d'autre, d'infiniment plus cool. Les incompréhensibles paroles lâchées dans le phrasé mou de Malkmus, les guitares bizarres et noisy, l'ambiance enfumée de jeunes glandeurs, tout cela a fait de Pavement le groupe ultime du rock indépendant des années 90. Inspirant des tas de gens, un peu partout (ceux qui n'entendent pas du Pavement chez Blur à partir de 1997 sont sourds), le groupe a sorti 5 albums bordéliques, pop, brillants qui sont déjà rentrés dans le panthéon de la période, avant d'imploser au tournant du millénaire. Après quoi, il n'aura fallu que 3 ans pour que le processus de réédition-deluxe-boxset-machin se mette en marche, Matador ressortant progressivement toute la discographie du groupe dans des coffrets agrémentés de tas de faces b, d'inédits, de lives, de tout ce que vous voulez.

Quatrième album à bénéficier de ce traitement de luxe (avec une remasterisation qui ne s'entend pas, ahem), Brighten The Corners est sorti en 1997 après le très consistant Wowee Zowee. S'il allait vers des choses moins éparpillés, plus calmes, c'était en enrichissant le répertoire de Pavement de morceaux plus lents et mélancoliques, pour ce qui est peut être le meilleur album du groupe. Oh, évidemment, cette affirmation se discute, Malkmus lui même ne considérant pas l'album comme un "classique de Pavement". Mais Brighten The Corners montre Pavement dans son meilleur équilibre entre groupe un peu potache de rock décalé et musiciens brillants sachant parfaitement construire des morceaux plus complexes qu'on ne croit. La preuve dans un morceau comme Transport Is Arranged, dont la progression de jolie ritournelle triste à gros passage rock se fait avec une aisance incroyable, ou l'immense duo final Stralings of the Slipstream/Fin qui met en lumière des jeux de guitares parfaitement travaillés, illuminant des morceaux mélancoliques. Même dans ses passages les plus lents comme sur Type Slowly, le groupe réussi à produire de longs instants instrumentaux absolument magnifiques. Et pour ceux qui trouveraient que Pavement est un groupe mou, on leur fera écouter le tube ultime et tordu qu'est Stereo, l'hilarant Embassy Row, ou les chœurs pop de Passat Dream, histoire de bien leur montrer leur erreur. Malkmus est au sommet, sortant des phrases aussi parfaites que "You've been chosen as an extra in the movie adaptation of the sequel to your life", et à la basse, Mark Ibold (qu'on a vu récemment jouer en live avec Sonic Youth) n'a jamais été ausssi parfait avec ses lignes groovy que sur un morceau comme Blue Hawaiian.

Mais, et les ajouts de la réédition à coté de ce chef d'oeuvre mésestimé? C'est toujours le même problème. On a des morceaux/jams qui ne peuvent être appréciées que par un fan ultime qui les a, de toute façon, déjà entendues, et le Pavement-phile modéré devra donc faire le tri entre l'anecdotique et les trésors cachés parmi les 32 (!) bonus. On rigolera sur la version country de Type Slowly, ou sur des morceaux foutraques comme Cataracts, Wanna Mess You Around ou Westie Can Drum, mais il faudra surtout se pencher principalement sur les quelques perles cachées en face-b à l'époque : Then (The Hexx) et ses impressionnantes 7 minutes en apesanteur, le très beau Harness Your Hopes, les ensoleillés et pop No Tan Lines et Roll With The Wind ou le formidable Roll with the Wind. Ces quelques morceaux auraient mérités d'être sur l'album, et ce n'est que justice de pouvoir les découvrir aujourd'hui. Quand aux versions démo ou live, aux jams pas super utiles et juste rigolos enregistrés pour les radios, ça s'écoute une fois à tout casser, comme la majorité des trucs que les maisons de disques se sentent obligés de refourguer quand ils font des rééditions. Cela n'enlève rien au fait que c'est peut être le meilleur album pour découvrir Pavement, et en tout cas une des meilleures choses des années 90 qui méritait amplement cette réédition collector très bien faite.

Mais toute cette mythologie, matinée de nostalgie collective, nous ferait oublier que Stephen Malkmus fait toujours de la musique et a même parfaitement digéré l'après-Pavement, comme le prouve son dernier album, sorti cette année avec son groupe The Jicks, un backing band impeccable qu'a rejoint récemment l'excellente Janet Wess (batteuse de groupes merveilleux comme feu Sleater-Kinney ou Quasi). Vous allez me dire que je suis un Philippe Manœuvre en puissance qui parle toujours de "rock" (il faut bien prendre le relais d'un Rock&Folk agonisant qui met Guns n' Roses ou Kings Of Leon dans ses albums du mois, oh la la), mais Real Emotional Trash est justement un excellent album de rock, et je pèse mes mots, un album avec des solos de guitares parfois psychédéliques et super longs, des gros accords et des riffs tueurs, de la batterie qui tape fort et fait des breaks trop cools, et le tout sur un peu moins d'une heure.

Ce sera trop pour certains. Tout le monde ne goûtera pas les 10 minutes de l'épique morceau-titre par exemple, qui débute par une ballade très réussie mais qui, progressivement et via une accélération parfaitement calibré, se transforme en un tube implacable, se concluant par un solo virtuose entouré par des pianos martelés. On peut comprendre. On plaindra ces gens là. Dans cet album, Malkmus n'a rien coupé, il a laissé les solos (certains sur Hopscotch Willie ou Baltimore sont d'ailleurs assez impressionnants de maîtrise!), il a gardé tout les jams, et ce grand ado fan de prog-rock ne se refuse rien, quitte à bourrer son album jusqu'aux amygdales de passages instrumentaux qui n'ont aucun autre objectif que d'être jouissifs à l'écoute. Encore faut-il rentrer dedans. Mais n'allez pas croire que c'est un album de Steve Vai, dieu du ciel non, il y a aussi de la pop ici, comme du temps de Pavement (ah! vivre avec une légende sur le dos, quel fardeau!), marié avec un coté rock à guitare 70's dont on aurait enlevé tout le superflu : Dragonfly Pie qui ouvre l'album est à cet égard parfait, alternant guitares distordues et refrain sautillant ultime. C'est quand l'album joue sur ces deux aspects qu'on a le droit à des petits chef d'œuvres : Cold Son, Elmo Delmo, ou ce Wicked Wanda final, avec chœurs féminins et guitares qui touchent le ciel. Il est parfois même émouvant et doux à grand coup de pianos électriques, comme sur Out Of Reaches avec sa coda tristoune. En définitive, aucun morceau vraiment plus faible que les autres, des morceaux à la fois classiques mais jamais emmurés dans la tradition, avec l'ajout de "beaucoup de détails à discerner", des musiciens qui se comprennent parfaitement. Cela fait de Real Emotional Trash une des meilleures choses de l'année, tout simplement, et voilà pourquoi il fallait que nous vous en parlions, même 9 mois après.

Et puis, franchement, que voulez-vous, c'est Stephen Malkmus, c'est une voix, c'est une façon de chanter, c'est un type, c'est des mélodies parfaites, c'est une façon de lâcher un solo et c'est quand on se retrouve à répéter tout seul devant sa stéréo en secouant la tête des phrases comme "Shake me off the knife because I want to go home" ou "My baby baby baby baby baby gave me malaria, hysteria-ah" qu'on se rend compte qu'il est, et a toujours été, le mec le plus cool.

Emilien.

liens :
http://www.myspace.com/pavement
http://www.myspace.com/stephenmalkmus (on peut entendre son album en entier sur cette page)

Extraits audio-vidéo-stéréo de l'album:
Pavement - Stereo. Anti clip hilarant d'un tube parfait, qui vaut le coup rien que pour le plan absolument hilarant sur une cymbale au début du refrain, alors qu'on s'attendant à voir TOUT sauf ça.


Stephen Malkmus & The Jicks - Hopscotch Willie. Et ses solos fous, tout plein, partout!

mercredi 3 décembre 2008

[C'était mieux avant !] : John Coltrane - Giant Steps

Atlantic Records
1960






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Alors que le Mange-disque observait avec consternation la médiocrité de l’actualité musicale de cette fin d'année, la seule occupation qui me restait en ces temps moroses était de me replonger dans mes classiques. Ne pouvant déroger au principe de classification des auditeurs je me dois de reconnaître que je fais ainsi partie de la catégorie des jazzeux. Ils ont des lunettes, sont en général calmes, audiophiles, ce sont les évêques du saxo, les évangélistes de la contrebasse. Mais la caractéristique la plus propre réside certainement dans leur incroyable faculté à donner dans le réac ; pour eux tout vient du jazz, ils en viendraient limite à vous dire que la musique classique aurait pillé les Mingus et autres Coltrane.

C’est d’ailleurs de ce dernier dont il s’agit. Quoi de plus normal de commencer notre périple par l'un des plus vibrant artistes jazz. Si son premier album notable reste Blue Train le vrai « saut » aura lieu avec Giant Steps. Coltrane, voulant s’affranchir des codes jusque là usés, participait déjà sur le Kind of Blue de Miles Davis à l'émergence du « jazz modal ». Les grilles d’accord changent, le cool jazz à la papa a un pied dans la tombe, Giant Steps fait remarquablement glisser l’autre. L’année est pleine, ça tombe bien car la décennie qui suivra marquera une période essentielle dans l’évolution d’un genre qui n'a cessé d'influencer les artistes les plus chevronnés.

Intérêt multiple. Giant Steps est d’ailleurs selon moi le premier album à conseiller à quelqu’un qui voudrait dire au revoir au jazz (parfois) un peu somnolent des Chet Baker et consorts. Le jazz modal est cet animal insaisissable qui rebuterait les moins téméraires d’entre nous et ferait douter les plus courageux ; le premier titre de Giant Steps est à mon sens ce qui illustre le mieux cette évolution.

En effet la première piste frappe par deux choses ; premièrement par son incroyable rapidité, deuxièmement par ce sentiment d’euphorie qui conforterait notre certitude sur l’impossibilité que ce morceau ait pu être écrit. On imaginerait Coltrane lancer un « balance la sauce » à Art Taylor (batterie), aussitôt suivit par un Paul Chambers (contrebasse) des plus débonnaire, égrainant les notes comme une dictée apprise par cœur ; notre bon Tommy Flanagan (piano) n’aurait eu qu’a suivre les grilles patiemment intégrées au fil du temps. Sauf que tonton John vient réveiller les morts, ressuscitant un sentiment presque organique, quasi physique.

Giant Steps rend perplexe par son évidente facilité, les notes nous narguent, tourbillonnent autour de nous, on essaye d'en attraper une, deux, l'écoute devient un jeu et le plaisir immédiat. C'est avec une jouissance inouïe que l'on découvre chaque pépite de ce que cet album a apporté ; une nouvelle façon de jouer, d’écouter, d’apprécier. L'urgence alliée à la sophistication de l'œuvre en devient troublant, le saxo ténor arrivant par sa seule présence à habiter la pièce entière (Countdown), les titres se faisant explicites (Spiral) et Coltrane, rendant un dernier hommage aux pères du « bop » en passant du « be » au « hard » (Mr. P.C.), nous ouvre les portes d’une décennie en pleine mutation dont il ne verra malheureusement pas la fin ni la portée.

Christopher.

Extrait audio de l'album:
John Coltrane - Giant Steps

dimanche 23 novembre 2008

[Tourne Disque] : Marnie Stern - This Is It and I Am It and You Are It and So Is That and He Is It and She Is It and It Is It and That Is That

Label : Kill Rock Stars
Sortie : 7 Octobre 2008
4/5







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Cette fin d’année musicale est un peu consternante, par manque de grosses sorties attendues et de découvertes surprenantes. Les rares exceptions sont le Deerhoof, le TV On The Radio (que le Mange Disque trouve intéressant, mais n’arriverait surement pas à le juger à sa juste valeur, par manque d’enthousiasme, et pour ma part je ne pourrais lui mettre qu’un ?/5), et le deuxième album de Marnie Stern. This Is It and I Am It and You Are It and So Is That and He Is It and She Is It and It Is It and That Is That est l'antidote idéal pour se réveiller en cette période ronflante, peut être même le seul disque vraiment rock’n’roll à retenir cette année.

Ce titre interminable évoque d’ailleurs bien les longs riffs tarabiscotés avec 36 notes à la seconde, remplis de doubles croches, de triples croches (ne me demandez pas ce que ça veut dire, je ne sais pas), joués par cette guitar hero inclassable au physique de Barbie. La fameuse technique du tapping, (que vous pouvez observer ici), elle ne l’a pas acquise afin de ressembler aux références du genre (les Van Halen et autres horreurs venant du Heavy Metal, qu’elle ne connait de toute manière sûrement pas), ou pour impressionner, mais bien par nécessité. Car d’après ses dires, « avec de l’entrainement, il est bien plus facile de jouer rapidement une multitude de notes avec ses deux mains sur le manche plutôt qu’avec une seule ». Il n’y a qu’elle pour transformer cette technique habituellement moche et démonstrative (pour ne pas dire de mauvais goût) en quelque chose de totalement inventif et original. Simplement : sa tête déborde d’idées, qu’elle ne peut évacuer qu’avec sa guitare et ses dix doigts. Le surplus de technicité devient un pur outil, et non une fin en soi. Elle est donc une autodidacte qui joue du rock progressif sans le côté pompeux du genre et dans des morceaux de 3 minutes, avec une énergie punk et un chant pop haut perché complêtement décomplexé. Comme si cela ne suffisait pas, elle s’accompagne à la rythmique du batteur le plus insensé et hyper actif du moment, Zach Hill (de Hella), qui sait presque se faire oublier tout en restant efficace (un exploit), pour se dévouer entièrement à la musique de sa protégée (il l’a découverte et il produit ses disques).

L’entrée en matière de l’album est effarante de minimalisme spectaculaire (la guitare et la voix jouent sur une seule et même note répétée pendant toute la moitié du morceau sur un rythme effréné), et tout ce qui suit est un enchainement de morceaux rentre-dedans, compliqués mais funs avant tout. On a l’impression que les notions de « limites », « baisses de tension » et « raisonnables » n’existent pas dans le vocabulaire de Marnie Stern. C’est ce rock là, insouciant, généreux et un peu dingo, qu’on a envie d’écouter cette année.

François.

http://www.myspace.com/marniestern1
Extrait vidéo de l'album:
Le drôle de clip du single Transformer, où Marnie Stern joue avec les références qu’on pourrait essayer de lui coller (esthétique Glam Rock, image cheap, guitare à double manche, fumée blanche…).

dimanche 16 novembre 2008

[Tourne Disque] : Diebold - Listen To My Heartbeast

Label : Bangor Records
Sortie : 29 Janvier 2008
3,5/5





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Qu'on veuille bien m'excuser de parler ici d'un album qui est sorti il y a presque un an, mais les années sont bien trop courtes pour qu'on réalise tout ce qu'il s'y passe. Pour sûr, on écoute certains groupes, on les manque pas, on est obligé de subir des choses fades dont tout le monde parle pour se rendre compte finalement qu'il faut faire attention aux mouvements de foule. Mais, dans le même temps, on rate pleins de trucs, et c'est soudain, quand on en arrive à faire le classement des meilleurs albums de l'année qui agonise, qu'on se demande si on a pas traversé l'année musicale comme un touriste au sein d'un voyage organisé. Alors la quête des albums qu'on aurait manqués commence, on erre entre les sorties, et parfois, par chance, on tombe sur un oublié de l'histoire, et si l'on comprend bien que personne n'en ai parlé, on se dit tout même qu'on aurait pu faire attention.

Le premier album de Diebold fait parti de ceux là, et c'est in-extrémis et par hasard qu'il m'est tombé dans l'oreille, par la magie de notre Internet tentaculaire, en ayant seulement connaissance de l'alléchant line-up de ce duo montréalais : d'un coté, Ian Ilavsky, qui joue de la batterie et de la basse, de l'autre Sophie Trudeau, chargée de la basse et de la batterie (les ordres sont importants). Pour ceux qui n'ont donc pas ouvert grands les yeux à la vue de ces noms, ces deux personnes ne sont pas n'importe qui : non seulement elles sont membres du groupe A Silver Mt. Zion, mais de plus Ian fit partie de Sofa, groupe sombre et rock bien trop méconnu signé sur l'influent label Constellation dont il est de surcroît le co-fondateur, et Sophie a été membre du légendaire collectif Godspeed you! Black Emperor, entre autres projets passionnants. Duo basse-batterie quasiment instrumental, Diebold a été fondé en 2002 avec pour principe (en gros et d'après eux) "de régler en musique les conflits d'ordre politique qui pouvaient opposer les deux membres du groupes quand ils vivaient ensemble en les maximisant par le son" (pour la question du sérieux de cette affirmation, c'est vous qui voyez). Et s'il a été enregistré de façon "live" sans public, sans aucun mixage ni overdubs (à part des voix dans le premier morceau) en 2005 et 2006, il aura fallu attendre le mois de Janvier dernier pour que cet album sorte sur le minuscule label crée par Sophie, Bangor Records (label sur lequel était déjà sorti un génial album du trio The Mile End Ladies String Auxiliary en 2005, dont je vous parlerais bien si seulement c'était mon sujet).

Il ne faut pas s'attendre ici à un énième album de post-rock ou des bruits épars émaillés de laborieux passages de musique concrète tout au long d'un album triste comme un sapin de Noël en février. Non, soyez prêt, Listen To My Heartbeast porte bien son nom, et est un album de rock, de gros rock, quasiment de stoner rock, avec des relents de noise rock, un album menaçant et brutal, pas si éloigné dans son esprit du duo Lullabye Arkestra (qui est lui même signé chez Constellation, tout se recoupe). Les six titres de cet album de 35 minutes (durée parfaite) sont pour la plupart assez simples : d'un coté, une basse sale mais pas fatigante non plus, souvent jouée par Sophie, qui lance des gros riffs passés parfois ensuite en boucle dans des pédales de delay pour construire des architectures primitives. De l'autre, une batterie qui tape et ne fait que ça, n'hésitant pas à faire des breaks hard rock façon groupe qui joue dans un garage.

Quand l'album commence, on est agressé par USaid et son ambiance gros metal lourd et ses cris sans fins. Tout est sale et bruyant et l'auditeur lambda se demande ce que l'il est venu faire là. Pourtant, si on se prend au jeu, il y a quelque chose d'absolument jouissif dans la manière dont ces morceaux agressifs sont joués, et derrière cette grosse déflagration sonique, il y a des sortes de jams géniaux qui sont au delà du cool. Ecoutez par exemple des morceaux comme Sure ou Baboum Kaka Chic, et tout de suite l'ambiance change, on est quelque part entre les gros grooves hardcore et des métriques irrégulières, on est happé par cette répétition hypnotisante de riffs. Comme dans une espèce de version déglinguée et rock'n'roll de Neu!, on sait que ce qu'on entend n'a rien de terriblement original, on sait qu'on écoute depuis 3 minutes le même riff, mais on s'en fout, la fureur est là. Encore mieux, parfois on décolle carrément comme avec le formidable morceau Opéra, qui évolue d'une composition garage sur laquelle on secoue la tête pour aboutir en grande apogée majeure, final façon mini-Lightning Bolt dont on a expurgé les doubles-croches. Et même durant le morceau-titre final qui joue beaucoup plus sur les larsens dans un ensemble expérimental à faire peur, il y a soudain cette batterie qui se met en branle et tourne en boucle, rappelant le premier album des Liars ou bien même une version lo-fi de PiL.

Sorte de pas de coté étrange de deux musiciens dont on aurait jamais cru qu'ils seraient un jour si primitifs et bruts, l'album de Diebold, s'il n'est en rien un classique instantané ou un chef d'œuvre en péril, est une découverte tout à fait réjouissante, qui concilie en un même tout cohérent une violence sonique assez physique et une ingéniosité plus cérébrale : c'est exactement ce que l'on peut espérer d'un album dont le volume reste dans le rouge constamment. C'est bien simple, si vous ne prenez aucun plaisir à écouter ces raids de sons crachés par des amplis bousillés, rendez vous à l'évidence : vous n'êtes pas rock. Pis! Vous êtes trop vieux.

Émilien.
Un lien : www.myspace.com/bangorrecords

Extrait audio :
Diebold - Sure

mercredi 12 novembre 2008

[Bonus Tracks] : Evangelista, Vampire Weekend, Clinic, Pivot

Evangelista – Hello, Voyager
Label : Constellation Records
Sortie : 25 Février 2008
4/5

L'acheter L'essayer Myspace

Sur son premier album enregistré sur le label Constellation, la new yorkaise Carla Bozulich inspectait magistralement les tréfonds de l’angoisse et de la désolation, à grand renfort de voix lourdement habitées et de stridences aiguisées. Sur ce deuxième essai, elle explore avec son groupe Evangelista (nom de l'album précédent) des terres tout aussi obscures, mais où une lueur d’espoir subsiste. Hello, Voyager est bien plus varié, toujours aussi intense, et surtout moins autiste dans sa radicalité. Parmi le blues rock primaire (Truth Is Dark Like Outer Space), le cauchemar dissonant (The Frozen Dress), et l'improvisation noise debordée de percussions et de spoken words aggressifs (Hello, Voyager!), les ballades portées par de sublimes nappes de claviers et de violons viennent prendre place (The Blue Room, Paper Kitten Claw). Carla Bozulich est une diva aussi bien angélique que démoniaque, qui à travers ses aspirations expérimentales et tourmentées, n’oublie pas d’écrire de vraies chansons fascinantes.
Evangelista – Smooth Jazz



Vampire Weekend – Vampire Weekend
Label : XL
Sortie : 29 Janvier 2008
2/5

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Dans le genre « afro-pop », on préférera réécouter l’inventif Remain In Lights des Talking Heads sorti il y a 28 ans, plutôt que l’album ingénu et sans surprises de Vampire Weekend. C’est un peu comme le Fleet Foxes : « bien mais pas top ». Au bout de deux écoutes, on a compris leur petite recette très pensée et un peu limitée, et on passe à autre chose.
Vampire Weekend – Mansard Roof



Clinic – Do It!
Label : Domino Records
Sortie : 7 Avril 2008
3/5

L'acheter L'essayer Myspace

Les albums de Clinic se ressemblent tous, peu d’évolutions vraiment notables sont reconnaissables de disques en disques (déjà 5 au compteur). Et pourtant, on prend toujours un malin plaisir à découvrir leur nouvelle série de chansons. Ils inventent une sorte de nouvelle catégorie de groupes de rock : ceux qui sortent toujours les même albums, sans dévier de trajectoire ni baisser en qualité. Cette régularité impassible fait qu’on se sent toujours chez soi, on retrouve immédiatement tout ce qu’on aime chez Clinic : une surf-music vintage et lo-fi traversée d’électricité rockabilly, un chant doucement nauséeux évoquant le Lou Reed du Velvet Underground, une atmosphère fiévreuse qui sied bien au nom et aux déguisements du groupe (blouses blanches, masques de chirurgien sur le visage), des riffs de guitares tendues et mécaniques, la batterie imperturbable si chère au groupe, et toujours (toujours !) la fameuse chanson garage en milieu d’album. Leur monomanie, quitte à ne jamais surprendre (aucun risque d’être déçu, c’est déjà ça), est très attachante. On retiendra tout de même une mini évolution : moins de distorsion, plus de pop. Bizarrement, on en viendrait presque à leur demander de ressortir encore le même album l’année prochaine.
Clinic – High Coin



Pivot – O Soundtrack My Heart
Label : Warp Records
Sortie : 18 Aout 2008
1,5/5

L'acheter Myspace

Après Battles et Born Ruffians, le label électro Warp signe avec un nouvel espoir du rock contemporain : le groupe australien Pivot, étiqueté (à tort) de Math Rock. Grosse déception, on aurait voulu découvrir une musique moderne, faite d’innovations dynamiques maitrisées. Au lieu de cela, ils nous servent un gloubi boulga de sons électroniques triturés, bidouillés, en vain, pour des plages aléatoires sans but, avec un trop plein de claviers New Age à la Jean Michel Jarre. Il y a bien des grooves efficaces sur les morceaux In The Blood et O Soundtrack My Heart, mais cela reste trop insuffisant. De plus, ils ont cru bon de faire une impasse presque totale sur le chant, mais ils auraient dû savoir que jouer de la musique instrumentale captivante n’est pas donné à tout le monde. Leur ambition de vouloir jouer une musique stellaire et savante dépasse leur véritable capacité de mise en œuvre.
Pivot In The Blood



François.

dimanche 9 novembre 2008

[Bonus Tracks] : The Organ, Inara George, Oasis, Monkey

The Organ - Thieves
Label : Mint Records
Sortie : 13 Septembre 2008
3,5/5



J'ai un tee-shirt The Organ. Il est super joli, on y voit un orgue dont les tuyaux vont jusqu'à des nuages dans lesquels y'a des oiseaux. Rien que pour ça, ce groupe de filles ultra inspiré par les années 80 (cf. leur unique album, le très chouette Grab That Gun) a toujours été protégé dans mon petit cœur, et j'ai été très triste quand elles se sont séparés brutalement et sans donner de raisons ("y'en a trop" ont-elles dit de façon lapidaire), durant l'enregistrement avorté de leur deuxième album, en 2006. Dieu merci, voici le petit e.p. Thieves qui regroupe six morceaux inédits, dont deux en live, et qui intervient comme un dernier petit souvenir. Comprenant des choses absolument géniales que ce soit le mini tube Can You Tell Me One Thing ou l'émouvant (et acoustique!) Don't Be Angry, cet e.p. n'a pour unique défaut que le fait qu'il ne sonne pas "terminé" ; il y manque une finition qui ne se fera jamais. Ce court adieu se fait donc simplement, sans pathos, juste ce qu'il faut d'émotion quand la chanteuse, double féminin de Morrissey, chante "all that i want was here, now it's gone/don't be angry, i will die lonely". R.I.P, etc.
Can You Tell Me One Thing



Inara George (with Van Dyke Parks) - An Invitation
Label : Everloving
Sortie : 29 Aout 2008
2,5/5



C'est sans doute le raté le plus mignon de l'année, mais ça reste un raté. An Invitation est la rencontre quasiment "en famille" de Inara George, jeune femme qui a une très jolie voix et de Van Dyke Parks, arrangeur génial dont je parle trop et ami du père d'Inara. L'album est un grand déluge d'orchestrations d'un autre age comme Van Dyke Parks en a le secret sur des morceaux aimables et infiniment jolis, sur lesquels la voix d'Inara flotte très gracieusement. Alors donc, pourquoi ça marche pas? Parce que tout cela sonne creux, et notre gentille chanteuse écrit des ballades absolument transparentes. Et comme le propre de l'orchestration est d'enjoliver et pas de fabriquer, Van Dyke a beau se démener comme un diable avec des idées géniales, il ne sauve finalement rien, au contraire, on a l'impression assez affreuse qu'il en fait beaucoup trop pour sauver la chose. Ce n'est pas désagréable à écouter, il y a même de jolis morceaux, mais franchement, si vous voulez une fille qui compose des morceaux brillants et sur lesquels l'ami Parks est comme un gosse dans un magasin de jouets, autant aller réécouter Ys de Joanna Newsom, qui fait passer cette sucrerie pour de la musique d'ambiance.
Right As Wrong



Oasis - Dig Out Your Soul
Label : Big Brother
Sortie : 6 Octobre 2008
2/5



Dans la catégorie des artistes dont on sait que l'âge d'or est passé, il y a toujours une étape obligée qui les touche tous par roulement : l'album du "retour-aux-sources", le "meilleur-album-depuis-le-dernier-meilleur-qui-a-déjà-quinze-ans", l'inénarrable "retour-en-grâce-des-géants-assoupis". Un processus de seconde jeunesse savamment orchestré par les maisons de production et qui, par le truchement de quelques critiques positives, voudrait faire croire à tout le monde que, si si, pour de vrai, un groupe comme Oasis peut encore sortir un bon album. En 2008! Soyons sérieux! On peut y croire pendant les 3 premiers morceaux de Dig Out Your Soul qui offrent un groupe toujours très rock de stade, mais un peu plus subtil que d'habitude. The Turning est même un bon morceau. Mais chassez le naturel, il revient au galop, le reste est bien plus paresseux, avec des ballades insipides, un Noel Gallagher qui persiste toujours a vouloir mal chanter des morceaux à la place de son frère, des duplicatas 60's fatigants, et surtout la preuve que les morceaux de gros rock en ternaire sont une aberration (Ain't got nothin', affreuse chose). Cela nous fait 4 morceaux écoutables. C'est vrai que par rapport aux derniers albums du groupe, c'est beaucoup.
The Turning



Monkey - Journey To The West
Label : XL Recordings
Sortie : 18 Aout 2008
3/5



Écouter la B.O. d'un spectacle sans voir le spectacle, voilà bien quelque chose de problématique. Y'a toujours de ces passages décontextualisés qui semblent un peu inutiles, alors qu'ils ne choquent pas une fois pris dans la progression d'une œuvre globale. On a beau être Damon Albarn, c'est exactement pareil quand on sort les musiques de son opéra Journey To The West en cd, en version "electro" (parait-il). S'il est intéressant d'entendre un Damon Albarn qui n'a que très rarement été aussi expérimental, il faut tout de même avouer que tout les morceaux instrumentaux de moins de deux minutes ne sont pas vraiment convaincants, surtout quand ils sont plombés de sons électroniques ou d'effets un peu maladroits. En dehors de quelques passages orchestraux très beaux (Sandy The River Demon), il n'y a guère que les "vraies" chansons qu'on retiendra, sortes de bonnes faces-b de Gorillaz chantées en chinois, particulièrement celles de la fin de l'album comme Monkey Bee qui finit en une formidable explosion qui nous rappelle pourquoi Damon Albarn reste, tout de même, un héros pour nous tous. Pas de quoi non plus tomber à la renverse.
The Living Sea


Émilien.