vendredi 15 août 2008

[Tourne Disque] : Zach Hill - Astrological Straits / Black Pus - Black Pus 4 : All Abord The Magic Pus







Zach Hill - Astrological Straits

Label : Ipecac
Sortie : 12 Aout 2008
2/5






Black Pus - Black Pus 4 : All Abord The Magic Pus

Label : Diarreah
Sortie : 7 Avril 2008
3,5/5


Dans un groupe, le membre le plus insupportable, c'est le batteur. C'est toujours le type qui ne connaît pas le nom des morceaux, qui a des goûts pas terribles, c'est un amas fou de problèmes divers quand il y a des concerts, il met des heures à se préparer et à installer ses machins, il joue trop fort ou alors trop doucement, il est trop discret ou alors veut amener l'attention sur lui, et une fois sur deux il est pas en rythme. Bref, ça va jamais et je parle d'expérience. La boite à rythme à été popularisée parce que les batteurs sont des emmerdeurs. Ainsi donc, quand sortent à la suite deux albums solos de deux batteurs parmi les plus surexcités au monde (avec Greg Saunier), on est en droit de craindre le pire, de cacher les enfants, de boucher ses oreilles avec de la colle, parce que des cinglés qui tapotent en roue libre avec un micro pour eux tout seul, c'est souvent terrifiant. Souvenez vous de Phil Collins.

D'un coté, nous avons Zach Hill, batteur de l'acclamé duo math-rock Hella, devenu récemment un quintette (et, dans le même temps, un groupe exaspérant lorgnant péniblement vers Mars Volta) qui nous propose un premier album qu'on qualifiera poliment de peu léger. Une règle assez simple résume le problème : tout album, autre que les premiers albums de Hella, qui comporte un membre de Hella est un album fatiguant. Autant dire que sur un album solo avec le guitariste de Hella qui participe (en plus d'autres musiciens qui en font eux aussi trop), il est important de préparer un peu d'aspirine. Aimant beaucoup le math-rock, ses mesures aux métriques biscornues et ses rythmes tellement alambiqués qu'on se croirait hors rythme et que secouer la tête dessus implique de s'abîmer les cervicales, Zach Hill est un type brillant, intelligent, extrêmement inventif. C'est peut être là le défaut flagrant d'Astrological Straits et de son heure de musique remplie ad nauseam de coups de baguettes et de notes : son coté premier de la classe, la sensation continue d'écouter une musique crâneuse, qui n'est compliquée que pour le plaisir de montrer à tout le monde qu'on arrive à jouer en 11/4 avec trente notes par secondes. Dans des morceaux comme Iambic Strays ou Hindsight Is Nowhere, les amas sonores bordéliques et trop complexes pour être honnêtes sont les cache-misères de mélodies pauvres et d'une incapacité totale de concision, ce qui donne des espèces de compositions vides mais trop riches, qui forment une bouillie sonore qui inspire un ennui total. Pire encore, durant l'onaniste Uhuru, Hill se lance dans un solo de batterie (quel manque de goût!) de plus de 3 minutes totalement plat et ennuyeux, exercice de style idiot et narcissique qui le place au même niveau que n'importe quel ignoble groupe de death metal. Et finalement, c'est quand il accepte enfin d'en faire moins au service de ce qui ressemble de près ou de loin à un morceau construit qu'il devient plus convainquant comme dans ce Dark Art brillant dont le refrain est une envolée époustouflante et jouissive, ou encore Stoic Logic et le morceau-titre de fin. Mais pour entendre ces quelques morceaux réussis, qui portent tout de même un peu sur l'estomac à la fin, il vous faudra supporter toute la musique diarrhéique qui l'entoure. Tout le monde n'est pas prêt à faire des sacrifices pareil.

Le problème est différent pour le quatrième album de Black Pus, projet solitaire et bizarre de Brian Chippendale, le batteur de Lightning Bolt qui est, rappelons le, l'un des meilleurs groupes de noise rock de la décennie. Après des premiers essais disponibles gratuitement sur internet, All Abord The Magic Pus (titre hilarant) est le premier a être distribué en cd et présente la facette la plus infâme de la musique de ce type tout en étant l'album le plus "accessible", si on peut dire, des quatre. Enregistré à la maison avec un matériel qui est, ahem, lo-fi, il n'y aura que les habitués du raffut qui pourront aller au bout des huit morceaux sans avoir envie de se tirer une balle ; pour les autres, passer le premier morceau sera déjà un exploit qu'un déplacement de cet album vers la corbeille récompensera fièrement . Et pourtant, c'est un tort, car la musique de Black Pus est vraiment autre chose, un monde à part entière qui mérite d'être exploré avec un soin accru. Sorte de résumé de toutes les obsessions de Chippendale qu'on entendait déjà fortement chez Lightning Bolt, Black Pus mélange très étrangement une batterie surpuissante (mais qui ne tape pas tout le temps, prend ça Zach Hill!), des synthés de jeux vidéos passés sous des tonnes de distorsion et d'effets venus des 80's avec des chants enfantins et répétitifs couplés à des mélodies pop, le tout massacré par une anti-production infernale et étouffante définitivement noise, pour l'amour simple de la violence sonique primale. Ce type aime les accords majeurs et le bruit qui fait siffler les tympans ; sa musique concilie les deux. Parfois, on entend beaucoup le premier aspect et ça donne des morceaux comme le génial Land of the Lost, qui tient en quatre accords, une mélodie imparable et un son proprement infâme, ou encore Body on the Tide, qui est presque émouvant, avec des "la la la" et des sifflements délicieusement décalés par rapport aux synthés bruyants qui semblent sorti d'un dessin animé avec des super héros qui combattent les forces du mal. A d'autres moments, c'est surtout bruyant et jouissif, la preuve avec ce The Wise Toad au riff minimaliste poussé par une rythmique atomique ou My House is a Mouse qui massacre une ligne de "basse" (jouée au synthé) géniale avec des claviers aigus et un chant plutôt aléatoire. L'album se révèle cependant un peu moins convainquant dans les morceaux un peu sans queue ni tête qui s'allongent inutilement comme ce Pagan 4 President dont les neuf minutes passent difficilement malgré des expérimentations pas forcement ratées à base de larsens prodigieux et un jeu de batterie toujours aussi excellent et brutal. Ce qui finalement entraîne deux réactions simples : le fait de se rendre compte du talent incroyable et de la vision musicale sans concession que construit, album après album, projets après projets Brian Chippendale, et aussi l'attente accrue d'un nouvel album de Lightning Bolt (le dernier datant de 2005 déjà) chose qui devrait, on l'espère, ne pas trop tarder, vu que le groupe refait une tournée qui passera en Europe (suivit entre temps d'un autre album de Black Pus prêt à sortir, ce qui sera donc le 5ème en 4 ans, en voilà un homme prolifique). Parce que, certes, Chippendale est très bon avec Black Pus, ce que prouve clairement ce nouvel album qui est recommandé à tout les amateurs de musiques extrêmes mais marrantes, de noise rock de qualité mais pas totalement imperméable, et à tout ceux qui veulent tout simplement écouter quelque chose de différent, oui, très bien, mais ces expérimentations brillantes ne peuvent être que les prémices d'un retour biblique de Lightning Bolt, groupe qui nous manque chaque jour un peu plus.

Parce que, en fin de compte, qu'ils soient épuisant ou complètement barrés dans des albums solos inégaux, les batteurs nous amènent tous vers la même conclusion qui est la raison d'être de la batterie : ne laissez pas un batteur tout seul, c'est mal. Parce qu'ils sont franchement meilleurs avec d'autres types. Et on s'en rend compte merveilleusement en faisant de la musique avec eux. Surtout quand, en répétition ou en concert, après avoir totalement oublié qu'il y a même un batteur pour se concentrer sur ce qu'on joue, on relève les yeux, on écoute l'ensemble, et on est frappé en se disant "fichtre, mais en fait, tout ça ne tient debout que grâce à la batterie, et c'est formidable grâce à la batterie". Là, on se dit que finalement, oui, ça justifie d'avoir à déplacer, en sueur, tout ses foutus toms qui pèsent des tonnes jusqu'au coffre de la voiture à la fin du concert.

Emilien.

liens :
pour Zack : http://www.blogger.com/www.myspace.com/zachhillmusic
pour Brian : http://www.blogger.com/www.myspace.com/theblackpus

Extraits vidéo pour les deux album :
Zach Hill et le clip, disons, minimaliste de Dark Art, le seul morceau à écouter de son album si il ne faut en écouter qu'un.


Brian Chippendale, lors d'une performance de Black Pus, jouant un morceau/jam inédit dans une cave, avec violence et amour.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Ahahah j'ai bien rigolé ! Et mieux : éradiquons simplement tous les batteurs de ce monde !