dimanche 27 juillet 2008

[Tourne Disque] : Cheap Time - Cheap Time

Label : In The Red Records
Sortie : 14 Avril 2008
4,5/5








C'est une évidence que certains nigauds essaient de nier en usant d'une mauvaise foi qui confine au révisionnisme musical le plus insupportable, mais le garage rock est un style de musique qui est, par essence, résolument chiant. Pour ceux qui ne sont jamais sorti du leur, rappelons que le rock dit garage est le parent pauvre du rock, la version sous-douée de la musique avec guitare électrique, l'horreur incarnée comme un ongle. Souvent joué par des idiots qui ne savent que peu utiliser leurs instruments achetés d'occasion, on l'appelle garage car c'est la où le groupe joue, ce qui explique leur manque de succès et leurs enregistrements pourris. Par contre, ce qui explique la pauvreté musicale de ce genre qui est tout de même responsable d'un autre mouvement de demeuré, à savoir le punk, et j'entend par là le punk sous sa pire forme (exemple : les ramones), c'est juste le manque total de talent des jeunes blanc-becs pseudo-cool et drogués qui ont cru qu'ils suffisaient d'avoir l'air branché et d'enchaîner les "money chords" pendant 2 minutes en braillant des inepties pour faire de la musique. Mais si encore ces gens là faisaient ça entre eux, passe encore, c'est aussi respectable que d'être philatéliste. Mais non, ils sortent parfois leurs albums et se produisent en public, ce qui conduit à ce que parfois, diantre!, ils plaisent. Ainsi, dans cette mythologie délabrée de groupes soi-disant indispensables, on trouve d'affreuses formations venues des 60's qui ont réussi à acquérir une sainteté en faisant n'importe quoi et en se prenant très au sérieux, et on réédite régulièrement les petits rejets musicaux de groupes comme The Sonics, The Seeds ou les risibles The 13th Floor Elevator. Et puis, au fur et à mesure des années décadentes qui nous menèrent au vingt-et-unième siècle, avec le punk qui a fait apparaître la parfois douloureuse (pour l'auditeur) idée du do it yourself, le garage rock a perduré, s'est perpétué, s'est propagé, s'est méthastasé, bref n'est pas mort, bien au contraire.

Alors pourquoi donc, vous demanderez-vous de manière fort judicieuse, met-je une note extrêmement positive au premier album du groupe Cheap Time qui semble être, ne mâchons pas nos mots, un groupe de garage rock? N'a on pas ici même une contradiction évidente qui discrédite le moindre de mes avis jusqu'à la fin des temps? Et bien non car, comme disait Magritte, ceci n'est pas du garage rock. C'est la représentation qu'on se fait du garage rock, ça donne l'illusion du garage rock, ça à le goût du garage, ça à le son du rock, mais c'est un leurre. En effet, c'est un fait, il y a de bons groupes garage rock, oui, ça existe ; et puis, dans l'absolu, le Velvet Underground à la base, c'est un peu du garage rock parfois. Mais voilà la clé qui différencie ces groupes du commun des brailleurs : ils ne se complaisent pas dans ce style stérile. Les meilleurs groupes de garage rock sont ceux qui n'en font pas, ou pas vraiment. Dans une moindre mesure, cela s'applique parfaitement à ce trio américain qui offre ainsi un premier essai totalement brillant. Déjà au début de l'année, ils avaient sorti un single dont la face A, Handy Man, était un tube instantané, un chef d'oeuvre de rock and roll qui rencontre la pop, une véritable insulte à l'intelligence qui avait le bon goût de rappeler tellement de bons groupes que les influences s'en trouvait brouillées. En une minute et quarante-quatre secondes, ils avaient fait l'un des meilleurs morceaux de l'année, voir même de la décennie. Il y avait tout, les claps, la voix de branleur, les 4 accords parfaitement sortis, le refrain avec des choeurs faux, le son dégueulasse, la batterie plus binaire qu'un ordinateur. On était plus prêt de la classe d'un You Really Got Me que des éjaculations soniques de nouilles sous lsd. Soudain, on pouvait croire à nouveau en un rock dans sa forme la plus simple, le rock mythologique et originel accouplé avec une modernité un poil surannée, on dépassait totalement la musique de sous-sol. Autant dire qu'on attendait donc l'album avec une impatience non feinte pour voir si le prodige pouvait tenir la distance.

Et soudain le voilà, fougueux, arrogeant, affichant fièrement sa stupidité comme un étendard, avec quatorze morceaux pour vingt-huit minutes, évidemment. Il me serait impossible de répondre à la question "pourquoi ça marche?". Je ne vois pas l'once d'une explication qui tienne sur des éléments tangibles. Pourquoi entendre 14 fois le même morceau (une caricature que quelqu'un sortira sans doute) n'est pas gênant avec Cheap Time? C'est vrai ça, le guitariste chante toujours avec un pré-ampli sur son micro, la batterie fait tout le temps le même break (un "tacatacata" en double-croche sur la caisse claire, il est dans 90% des morceaux), la production varie pas d'un pouce. Mais c'est prodigieux. Allez savoir. Appelez ça comme vous voulez, mais ces types là ont quelque chose qui fait qu'on ne s'ennuie pas avec eux, et qu'on bat du pied, qu'on secoue la tête, qu'on ne reste pas passif, bref qu'on fait ce qu'on a à faire en écoutant ce type de musique. Chaque morceau rivalise avec l'autre quand on essaye de voir lequel est le plus cool. Sur Glitter & Gold, ils usent de tout les poncifs du genre, mais peu importe, à la sortie, on a un tube. Sur People Talk, reprise d'un groupe totalement inconnu de new wave appellé The End, ils offrent un espèce de punk totalement new-yorkais qui peut faire penser à du glam. Falling Down est un tube de rock 70's avec solo façon guitar hero qui ne joue que sur la corde de mi aiguë. Sur Ginger Snap, ils sortent un petit synthé qui ne sert à rien mais donne un coté totalement passéiste fun à l'affaire pour finir sur des "ya ya ya ya ya" effrontément efficaces. Et finalement, le très long (3 minutes!) Trip To The Zoo qui finit en fanfare l'album, fait penser à du bon punk (ce qui semble pourtant être la plus part du temps une antithèse), celui qu'on aime écouter quand il n'y a plus rien d'agréable à écouter.

Oh, je les vois venir les cyniques qui diront "non mais n'importe quoi, c'est juste un énième groupe de garage rock ce truc". Oui, si vous voulez, si ça vous fait plaisir, mais Cheap Time, c'est avant tout des refrains pop, des influences glam, punk et venues des 60's, c'est avant tout des types qui savent écrire des tubes et qui, pour cela, le font avec un son pas terrible et trois accords façon garage rock certes. Mais quand un groupe est sur le même label que les Sparks, et qu'il dédie son album à Sany West, la batteuse de Runaways décédée en 2006, c'est qu'il y a plus que ça. Cet album est exemplaire car il apporte exactement ce qu'on peux attendre de lui, il se suffit à lui même, il contient l'essence même d'une musique indémodable après pourtant plus de quarante ans de raffut, et si on ne devait garder qu'un seul album de rock cet année, de rock tout court, sans multiples adjectifs pompeux, ce serait indéniablement celui la. Et, oui, pendant ce temps la, on peut continuer sans contradictions à conchier tout ces groupes post-modernes surfaits qui sortent des albums très très intelligents (oh, ça, oui!) mais qui ont totalement oubliés l'auditeur dans leur onanisme musical fatiguant.

Parce qu'on ne peux pas toujours être intelligent, dieu merci, il nous reste Cheap Time.

Emilien.

un lien? bien : http://www.myspace.com/cheaptime
Lien vidéo pour cet album :
L'anti-clip qui est lui très garage de Glitter & Gold. Notons qu'on y entend la version démo du morceau : la version de l'album est un peu plus lente mais bien meilleure. Pour un Cheap Time moins démo mais dans un son pourri, regardez les lives sur YouTube. Pour un Cheap Time réel, allez sur le myspace ci-dessus.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le premier paragraphe est trop nul, je boycotte la suite ! : )

Duck.