dimanche 29 juin 2008

[Tourne Disque] : The Shortwave Set - Replica Sun Machine

Label : Wall of Sound
Sortie : 5 Mai 2008
4/5








En musique, tout a été déjà fait. On invente plus rien. On modernise des trucs anciens, les cycles de répétitions de choses déjà faites sont de plus en plus courts (préparez vous, ça va bientôt être le revival grunge au rythme où ça va), on pompe des groupes qui sont même pas morts, tout se mélange en un grand fracas fatiguant, avec un air de pas y toucher, "ah non non, on essaye pas du tout de ressembler à untel, on est VRAIMENT originaux vous savez!". Alors forcement, quand un groupe sort un album de chansons pop à l'ancienne qui ne veut rien inventer du tout et qui le montre clairement, l'auditeur moderne et blasé (pléonasme) a l'impression qu'on se fout de lui, qu'on est trop honnête pour ne pas attiser la suspicion et il ouvre grand la bouche pour se préparer à bailler.

Car oui, ce deuxième album du groupe The Shortwave Set, Replica Sun Machine, est un album qui avoue tout dès le début, qui se rend sans conditions, qui n'essaye même pas de faire croire qu'il est autre chose qu'une collection de chansons efficaces et de refrains accrocheurs inspirés par des groupes déjà pillés jusqu'à la moelle. Oui, House Of Lies est un morceau qui ressemble trait pour trait à du John Lennon, et au cas où vous n'auriez pas compris la parenté, le groupe n'hésite pas à copier les idées de Phil Spector à l'époque d'Imagine, et le chanteur de se lancer dans une imitation assez troublante de la voix du défunt avec le même effet d'écho sur son chant. Oui, No Social est le tube de l'album avec un production néo-60's ultra clichée et le refrain, déjà d'une efficacité juste impossible, est chanté par tout le groupe en chœur façon grosse brit-pop quasi-surannée. Oui et? Il y a pas de mal à collectionner des choses clichés mais qui fonctionnent, tout le monde fait ça : un chant partagé entre un garçon qui aurait voulu vivre dans les 60's et une fille suédoise qui se prend pour Nico, qui se rejoignent sur les refrains, des claps, des suites d'accords déjà entendues des milliers de fois, des chansons un peu lentes avec un coté très psychédélique et mignon, des structures couplet-refrain etc, les aigris peuvent et vont grogner. Mais ce qui est formidable ici, c'est que nos trois gentils musiciens ont fait exactement l'inverse de pas mal de groupes récents qui se targuent d'être originaux : ils n'ont pas oubliés d'écrire des morceaux - ils en écrivent de bons, parfois même d'excellents! - et ils en ont composés sur toute la longueur de l'album.

Il faut dire que le groupe n'était pas non plus accompagnés par n'importe qui. A la production, un Danger Mouse (qu'on a déjà entendu chez Gorillaz par exemple) totalement fan du groupe qui offre un son bariolé et riche d'une propreté clinique qui sied bien à ces morceaux qui versent plus dans le classicisme que dans l'avant-garde de toute façon. Venu faire quelques drones et jouer du violon, on trouve aussi le légendaire John Cale du Velvet Underground. Et puis surtout, il y a le génie méconnu Van Dyke Parks, un des plus grands arrangeurs au monde, qui couvre quatre morceaux de ses violons merveilleux et de ses orchestrations d'une richesse folle. Le groupe aurait clairement mérité la lapidation si ils avaient fait n'importe quoi avec des gens comme ça. Mais non, c'est un album qui tient toutes ses modestes promesses, celle de faire un album efficace mais qui ne sous-estime pas l'auditeur, dont le spectre des influences va de Abba jusqu'à Bowie en passant par la pop française (comprendre Gainsbourg mais aussi Air), un album lumineux, un peu rêveur mais jamais fatiguant, et qui se révèle être finalement de très bonne facture, à la fois familier et rafraichissant.

Ah non, bien sur, ce n'est pas l'album du siècle, mais en attendant le prochain chef d'œuvre intemporel qui changera la face du monde et rentrera dans l'histoire de la musique, vous m'excuserez mais je me trémousserais tout l'été sur Now Til '69 avec joie.

Emilien.

www.myspace.com/theshortwaveset
Extrait vidéo de l'album :
Le clip coloré de No Social, premier single formidable qui pourrait bien faire votre été.

jeudi 26 juin 2008

[Tourne Disque] : Man Man - Rabbit Habits

Label : Anti Records
Sortie : 8 Avril 2008
5/5









Imaginez ; vous entrez dans un vieux honky tonk. Vous êtes en retard. Ce soir un concert de jazz/pop est donné. C’est « Man Man » qui joue. Vous vous attendiez à quelque chose de bien sage assis sur votre chaise, mais au centre de la salle des gens semblent s’agiter. Vous enlevez votre trois-quarts, vous crevez de chaud.

Il y a de tout, des vieilles dondonnes aux dents pétés se faisant malmenées par des jeunes en bicolors, des messieurs trop vieux pour abandonner leur canne, des jeunettes à lunettes attendant qu’un jeune impétueux vienne les sortir de leur trépignement. Mais une chose vous attire ; le fond de la salle. D’abord le chanteur, Honus Honus. Ca gueule de partout, c’est criard, coloré. On n'y pige rien. Que des onomatopées, pulsées par sa voix de vieux clébard. Captain Beefheart revisité. Puis, des saxos de charmeur de serpent, une batterie de 100 tomes et 50 cymbales, des guitares à 24 cordes et d’autres instruments encore inconnus.

Rabbit Habbits me fait l’effet d’un patchwork, une sorte d’arlequin bancale s’amusant ça et là à balancer ses bras, sa trompette, sa folie. On y verrait Dieu Zappa ressuscité ; ambiance délurée, public sur scène, les musiciens dans la fosse, on ne distingue plus rien. Un immense kaléidoscope devant nous. Plus aucune cohérence, tout vient et part aussi vite que s’enchainent les morceaux. Puis, au bout de la deuxième écoute, commence à émerger l’idée de l’album. Le mélange. Une espèce de gloubiboulga parfaitement dosé. Je pense à Chat Noir/Chat Blanc de Kusturica. On imagine alors les vielles opulentes retirant un clou d’une poutre avec leur trouduc’, des vieux dégueulasses sur lesquels trônent des jeunes naïades peroxydées aux dents serties d’or, des mac’ en survêt Adidas vert/violet et chaussures de ville.

Ca continue de partir en vrille. Les horns s’amoncèlent sur Poor Jackie, la batterie lui martèle le corps, le synthé lui tire dans les oreilles ; elle succombe. La basse sonne le glas. Puis tout fou le camp, le violoniste arrache les cordes de son instrument, les cuivres vomissent dans leur calice et tout le monde se casse. Sur Whalebones « Man Man » se calme, se pose ; la batterie mesure, le piano suit, le banjo ponctue, la guitare égraine, le mélodica accompagne, le baryton sax raconte et le chanteur décrit. On hume alors les fumées de cette délicieuse ambiance jazzy façon tripot manouche. On commande un « on the rocks », on va pisser un coup et on repousse le bouton « play » de notre mange-disque.

Christopher.

http://www.myspace.com/wearemanman
Extrait vidéo de l'album :
Man Man - Mister Jung Stuffed


vendredi 13 juin 2008

[Tourne Disque] : Sigur Rós - Með suð í eyrum við spilum endalaust

Label : EMI, XL Recordings
Sortie : 23 Juin 2008
3/5







Le nouvel album de Sigur Rós est un leurre. La plupart de ceux qui connaissent le groupe, et même leurs plus grands admirateurs, commencent à être lassés, voire fatigués, de leurs longues plages brumeuses et rêveuses. Et Með suð í eyrum við spilum endalaust est justement censé marquer un tournant dans la carrière du groupe, vers une musique plus dynamique et pop (un changement lourdement appuyée par la pochette de l’album et le clip du single).

A l'écoute du premier morceau à l'énergie enthousiasmante, on se dit que Sigur Rós, flirtant avec le tribalisme pop d'Animal Collective et chargeant à l'extrême ses percussions, s'est bel et bien réveillé. En réalité, on est vite déçu, car la suite de l’album ne s’aligne pas avec l’envolée gentiment freak folk de Gobbledigook, à part trois ou quatre autres morceaux faiblards qui passent facilement inaperçus. Pour le reste, il faudra se contenter de la recette habituelle du groupe, c'est-à-dire une musique intimiste, pieuse, au lyrisme abondant, et ce sur toute la deuxième moitié de l’album : le contraire de ce que l’on attendait de ce disque.

Néanmoins, il serait dommage de se bloquer sur cette désillusion, car il faudrait vraiment avoir un cœur de pierre pour ne pas être touché par Festival et Ára bátur, les deux compositions les plus réussies. Paradoxalement, ce sont ces deux morceaux, les plus longs de l'album, et évoluants clairement sur un schéma Post Rock déjà bien connu (début calme et reposé, suivi d’une montée progressive et épique), qui ont encore un vrai pouvoir de séduction : cet orgue enveloppant et cette voix angélique d’une beauté tétanisante ferait méditer toute l’assemblée d’une église.

François.

http://www.myspace.com/sigurros
Extrait vidéo de l'album:
Sigur Rós - Gobbledigook