Pour moi il y a deux types de chanteuses Jazz ; les tonitruantes, les gueulardes, les championnes du 100 mètres, celles qui te retournent l’intestin grêle en deux phrases ; puis il y a les autres, les douces, les posées, celles qui pantouflent paisiblement et qui arrivent à te séduire sur la longueur.
Cassandra Wilson appartient à la deuxième classe, mais la transcende ; sa voix velours, son swing, son côté Whisky/Cigare qui vous oblige à investir d’urgence dans un système audio digne de ce nom.
La musique de Cassandra Wilson n’est pas une musique d’iPod, elle se distille note après note gouttant ça et là dans votre conduit auditif. C’est une musique pour ampli à lampes, pour grosses mécaniques, rondes et puissantes, qui grondent et vrombissent.
J’avais été bluffé par son Belly of the Sun, incroyable chef d’œuvre d’acoustique, enregistré dans une vieille gare désaffectée. Mais Cassandra ne se résume pas à son « son » si particulier. Reste la musique en elle même, tant clinquante (Caravan) qu’opulente.
Tout va doucement, elle ne va jamais dans le précipité, le craché. On a l’impression qu’elle se couche sur la musique, que tout est complémentaire, l’un se reposant sur la rythmicité de l’autre (‘Til there Was you) ou l’autre égrainant son chapelet sur l’agréable nonchalance de l’un (Spring Can Really Hang You Up The Most, divinement chantée par Rickie Lee Jones sur l’album Pop Pop). La guitare se faisant acoustique au possible, on se pose, on écoute les grincements du fauteuil, les bruits parasites d’un jack ayant dépassé la date de péremption.
Puis on avance vers d’autres continents, l’Afrique (Arere), hypnotique et mystérieuse, l’Amérique (St. James Infirmary), blues et poussiéreuse. On survole les notes dans un paisible repos. Au bout d’une heure on se rend compte qu’on s’est assoupi dans notre fauteuil. C’est l’effet « Grand Album » ; vous faire pénétrer la musique, vous faire respirer les mesures, boire les notes.
Ce genre de musique ne s’apprécie pas de façon compulsive. C’est un album qui s’écoute une fois, se conserve dans un coin de la bibliothèque et se ressort quelques mois après en se servant un trait de la même bouteille…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire