Sortie : 18 Mars 2008
4/5
Cette chronique est un erratum. Il faut effectivement l'avouer, nous sommes impardonnables. Par nous, j'entends l'équipe de ce blog. Sans le faire exprès, nous avons rendu votre été moins ensoleillé, moins joyeux, moins beau et pour une raison simple : nous avons oublié de vous conseiller d'écouter impérativement un album qui était pourtant la bande son idéale de cette saison, une musique qui colle à sa chaleur moite et son ennui déguisé en détente. Nous avons oublié de vous parler du deuxième album de The Dodos, duo américain que seul les plus paresseux qualifieront de groupe indie (oh le vilain terme) tant sa qualité vole plus haut que les autres choses affreuses qui sont sorti et qui sortiront cette année. Corrigeons donc le tir immédiatement avant que les feuilles mortes nous strangulent et que les larmes des nuages nous noient.
Ça commence par des arpèges lumineux, un banjo venu du ciel, une batterie qui semble taper du pied sur un plancher poussiéreux et une mélodie toute simple. Le tout distille une mélancolie sobre et sans pathos dans une ambiance folk des plus délicates. Puis soudain, ce morceau d'ouverture s'enchaîne sur un autre, et comme par magie, la batterie se lance comme une machine, les boites à musique rouillées frappent et l'on se retrouve ailleurs, et le simple groupe acoustique devient doucement psychédélique pour rejoindre délicatement une certaine frange de la musique américaine néo-hippie sans pour autant tomber dans leurs écarts - comprendre, en restant efficace. C'est entre ces deux aspects pas si éloignés que tout l'album Visiter semble se construire, allant de l'un à l'autre pour parfois les mêler et créer un ensemble à la fois riche et minimaliste. Le postulat de base du groupe est pourtant taillé pour l'intimité : d'un coté une guitare folk, magnifiquement jouée, alternativement martelée puis caressée tout en arpèges et finger picking. De l'autre, une batterie, métronomique et riche. Rien de plus, certains morceaux en témoignent comme le très beau Park Song. Mais, et c'est là tout le talent du duo, il ne s'est pas contenté de produire sur cet album de petites ballades tranquilles en permanence ; il a su insufflé une fougue étonnante dans sa musique qui, si elle n'est pas totalement de première main, offre quand même des morceaux brillants tel que Fools où, sur des rythmiques quasiment tribales, un chant sans accrocs aux "oh oh" salvateurs (et quelque peu canadiens, si vous voyez ce que je veux dire) semble valser miraculeusement dans l'air. Et pour enrichir le spectre sonore de l'ensemble, le groupe a ajouté avec discrétion quelques trompettes, quelques guitares électriques, quelques petits détails qui ne sont que des petites surprises, des petits plus autour d'un squelette dont on s'étonne qu'il soit aussi simple. En ces temps qui ont pardonnés un peu naïvement tout les excès électroniques passés pour les réutiliser sans génie ni gloire, The Dodos sort un album épuré mais pas vide, entièrement acoustique mais pas austère. Au contraire, c'est débranchés que les deux garçons acquièrent un souffle absent chez tant de groupes actuels.
Le groupe s'autorise à peu près tout sur cet album, et c'est ce qui fait sa force. Dans Joe's Waltz, on passe d'un morceau triste que n'aurait pas renié Elliott Smith à un ensemble quasiment blues rock, avec guitares martelés et gros accords. Mais entre ces deux passages, le groupe reste inchangé, aucun instrument ne s'est ajouté, le guitariste a juste frappé ses cordes plus fort et avec de la distortion, et le batteur a frappé ses toms avec vigueur. Mais vous n'y avez vu que du feu, le morceau vous a transporté et quand le silence se fait vous vous demandez si vous écoutez toujours la même chose. Une telle puissance avec juste des instruments acoustiques, on n'avait pas entendu ça depuis bien longtemps, trop longtemps. Sur le final de Paint The Rust, le groupe fait tout simplement du rock aux influences country, à grand coup de bottleneck alors que dans le morceau précèdent sonnait comme une chanson traditionnelle reprise avec de la trompette. Et même quand l'album semble se perdre dans des morceaux un peu moins convaincants à la fin, principalement à cause de leur longueur, le groupe lâche encore quelques perles comme le très beau God? de conclusion, grande montée enchantée, pour ne jamais laisser une mauvaise impression. Voilà pourquoi, au sortir d'une écoute de l'heure de musique que les Californiens nous propose, on ne peut être qu'enthousiasmé par la qualité implacable des compositions et la vision musicale à mi-chemin entre le passéisme et l'énergie juvénile que nous propose ce groupe qui, pour une fois, mérite tout le bien que la presse lui prête.
Il n'y a pas seulement des choses extrêmement prometteuses dans ces compositions pleines de vies. Il y a déjà et surtout des choses magnifiques, instantanément, qui nous donnent un album excellent qu'on peut sans mal considérer comme l'une des plus belles découvertes de l'année.
Emilien.
Un lien : www.myspace.com/thedodos
Extrait vidéo :
Le clip de Fools, relativement cheap mais la musique reste la chose la plus importante n'est ce pas?
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