dimanche 28 septembre 2008

[Tourne Disque] : Final Fantasy - Spectrum, 14th Century / Plays To Please

Spectrum, 14th Century
Label : Blocks Recording Club
Sortie : 30 Septembre 2008
5/5







Plays To Please
Label : Slender Means
Sortie : 21 Octobre 2008
4,5/5








Owen Pallett est un génie. Loin de moi l'idée de recourir à l'hyperbole pour exprimer sous une fausse objectivité toute l'admiration que j'ai pour ce jeune homme de 28 ans. Mais force est de constater que c'est un parcours impeccable qu'il trace depuis des années. Jouant terriblement bien du violon et du piano, ayant déjà écrit de nombreuses pièces classiques quand il étudiait la composition, il a débuté dans l'excellent et méconnu groupe de folk expérimental Les Mouches dont l'unique album (You're Worth More to Me Than 1000 Christians) mériterait amplement une réédition, avant de se lancer en solo sous le nom Final Fantasy (en hommage au jeu sur lequel vous avez passé des heures et des heures durant votre adolescence - enfin moi, si) et de sortir deux albums incroyables qui mêlent la musique pop aux violons. He Poos Clouds, sorti en 2006 était un véritable chef d'œuvre, rempli de morceaux d'une richesse incroyable qui montraient l'aptitude de ce surdoué à la composition orchestrale. Il a aussi fait des tas de concerts ou il était absolument seul, s'enregistrant soi même en direct sur scène pour reconstruire, couches sur couches avec ses pédales d'effet, ses morceaux. Dans le même temps, il a arrangé la plus part des violons de Arcade Fire et est parti en tournée avec eux et on a pu récemment l'entendre avec les Last Shadow Puppets auxquels il a apporté des orchestrations cinématographiques. Entre autre. Mais dès que l'accumulation sur le CV devient trop longue, les génies commencent une douce dégringolade et deviennent des ex-génies, parfois de manière affreuse (non mais vous avez écouté le dernier album de Brian Wilson?).

Ainsi donc, quand il sort 2 e.p. à la fois en CD et en vinyls (en édition un peu limité de 1000 exemplaires) en moins d'un mois pour faire patienter le public mais aussi en guise de préparation à son troisième album concept qui parlera d'un monde imaginaire où lui même serait un dieu vénéré par différents personnages (si si, ce sera Heartland, qui devrait sortir en 2009), c'est une excitation mêlée de crainte qui s'empare de l'auditeur. Mais finalement tout va bien. Non seulement ces deux e.p. sont excellents, mais certains des morceaux sont parmi les choses les plus brillantes qu'Owen Pallett n'a jamais composés.

Le premier E.P., Spectrum, 14th Century est celui qui introduit l'auditeur dans l'univers du prochain album selon les dires de son créateur, et est l'une des plus belles choses sorties cette année. C'est un univers d'une richesse incroyable qui est dévoilé en 17 toutes petites minutes. Entouré de bruits d'oiseaux et d'insectes, les 5 morceaux de cet e.p. sont une avancée incroyable dans la musique de Final Fantasy en offrant le plus bel équilibre entre des arrangements ambitieux et tout de même instantanément beaux. Rien qu'au niveau de l'orchestration, avec la participation des musiciens de Beirut. On a des cuivres, des violons, des flûtes, des percussions, de l'accordéon, le tout formant une musique étrange, riche et toute simple, d'une beauté incroyable. Le morceau Blue Imelda impressionne de maîtrise avec la présence inattendue de steel drums, ces percussions venues de Trinité-Et-Tobago qu'on entend plus dans la calypso normalement, mais qui, ici, forme un ensemble étrange, se mêlant d'une manière assez inédite aux cuivres et aux chœurs. Tout ici est prétexte à un détournement d'un exotisme trop facile en quelque chose de nouveau, comme dans Cockatrice, et son étrange rythmique brisée sur laquelle se posent des xylophones délicats. A force de mélanger les influences, Owen Pallett réussi réellement à créer un univers sonore à part comme dans le foisonnement passionnant d'un morceau comme The Butcher, émouvante composition dont le final éclatant et mélancolique réinvente totalement l'idée même de pop orchestrale. Et en guise de dernier morceau, The Ballad Of No-Face, il signe tout simplement l'un de ses plus beaux morceaux, mariant les harmonies d'une manière absolument brillante, n'hésitant pas à aller chercher la dissonance pour faire apparaître la beauté, décalant même légèrement le rythme de son chant à la fin par rapport au premier couplet pour ne jamais laisser l'auditeur dans une position confortable : toute l'exigeance de la musique de Final Fantasy est là, dans les détails absolument géniaux, et pour peu qu'on accepte de jouer le jeu, on a l'occasion d'entendre de choses superbes, comme ce piano (rappellant This Lamb Sell Condos de son deuxième album) qui vient conclure le morceau, accompagné par des criquets et autres sons de la foret. Si ces 5 morceaux sont à l'image de ceux qui formeront le troisième album de Final Fantasy, alors il ne me semble pas être trop présomptueux d'affirmer que celui ci risque fort d'être un immense chef d'oeuvre tant cet avant-gout a des allures de perfection.

Parallèlement à cela, Plays To Please, se place dans une toute autre optique mais offre aussi de magnifiques choses. Cet e.p. est composé de 6 reprises de l'artiste montréalais Alex Lukashevsky, un monsieur assez inconnu du grand public mais qui est une figure importante de la scène alternative canadienne avec son groupe Deep Dark United. Allant piocher un peu partout dans les morceaux du monsieur, qui sont certains uniquement acoustiques tandis que d'autres sont riches et remplis d'orchestrations, Owen Pallett les transpose dans une univers bien plus suranné mais tout aussi fou, accompagné pour le coup d'un orchestre de 35 membres (le St. Kitts Orchestra) parmi lesquels on retrouve Andrew Bird. La musique de Plays To Please est une chose étrange, comme une version mutante et volontairement défigurée des big bands qui jouent du easy listening, se plaçant dans l'optique d'un bazar orchestral qui n'est pas sans rappeler Van Dyke Parks. Dès Horsetail Feathers, on flotte dans un espèce de cabaret, le morceau est une véritable comédie musicale avec mélodies distinguées et instruments haut en couleurs. Le rythme est syncopé, on claque des doigts, et la très belle voix aiguë d'Owen s'envole en faisant "Oooh!". Tout ce mini-album est construit ainsi, avec des arrangements classiques, qui peuvent parfois même prêter à rire, mais c'est justement là dessus que tout se joue. Si Spectrum détourne l'exotisme, le but ici est de réutiliser tout ce qui semble absolument désuet pour transposer les morceaux de Lukashevsky dans un autre temps, un autre lieu. Jouant énormément sur la dissonance (Moodring Band, morceaux crépusculaire où les violons jouent volontairement un peu faux) et les moults surprises musicales possibles (Nun Or A Bawl, qui change le coté rauque de l'original en un véritable déluge de trouvailles mélodiques), on a donc une musique qui fait exprès de nous tendre des pièges, de nous étonner, lutant à tout prix contre l'ennui et l'idée même de confort pour offrir quelque chose d'autre d'absolument brillant, à la fois familier et bizarre,. Cela donne un e.p. totalement attachant mais aussi assez exigeant, et qui reste d'une beauté totale, pour peu que vous aimiez les violons de soirées cosy et le easy-listening complètement défiguré aux profits de chansons ambitieuses.

Bref, vous l'avez surement compris, ces deux e.p. sont absolument indispensables, il vous les faut, tombez dans l'illégalité si il le faut pour pouvoir les écouter, mais passer à coté serait une erreur absoluement terrible, une auto-flagélation involontaire. Car, à eux deux, ils forment un ensemble de 11 morceaux tous aussi géniaux les uns que les autres qui sont une démonstration éclatante de l'affirmation de départ : Owen Pallett est un génie. Et quitte à ne jamais être génial soi même, autant être heureux en écoutant ces deux courts ensembles qui sont un sans fautes musical comme on en a (trop) rarement l'occasion de l'entendre.

Emilien.

un lien : http://www.myspace.com/owenpallettmusic
ou encore www.myspace.com/ffinalffantasy

Lien vidéo de l'album :
Une version live au son un poil baveux de The Butcher tiré de Spectrum, 14th Century et joué ici juste avec un violon et des pédales d'effet, dans une tentative désespérée et magnifiquement vouée à l'échec de recréer toutes les orchestrations du morceau. Tout seul.


ET VOICI POUR VOUS, tout nouveau, le clip de The Butcher, qui est assez laid, mais on peut pas tout avoir.


5 commentaires:

Anonyme a dit…

Chronique intéressante d'un artiste qui a en effet l'air fort talentueux, et qui m'a donné envie d'écouter ces deux EPs après avoir entendu le magnifique morceau the butcher.

En passant, il y a une erreur dans le lien vers le deuxième myspace, l'URL rentrée est http://www.blogger.com/www.myspace.com/ffinalffantasy
Il faut donc virer la partie http://www.blogger.com/ pour que le lien fonctionne.

Emilien a dit…

merci pour l'erreur, c'est corrigé!

pour écouter ces e.p., voici deux liens :

http://rapidshare.com/files/140760701/Final_Fantasy_-_Spectrum__14th_Century.rar

http://rapidshare.com/files/141852605/Plays_To_Please.rar

Emilien a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Anonyme a dit…

Merci pour les liens!
Je vais m'empresser d'y jeter une oreille.

Anonyme a dit…

"Pfffffffffffffffff.......", mais soit.