mardi 30 septembre 2008

[Tourne Disque] : Fujiya & Miyagi - Lightbulbs

Label : Gronland Records
Sortie : 1er Septembre 2008
3,5/5





L'acheter
L'essayer

Fujiya & Miyagi (qui n’est pas un duo japonais, mais bien un quatuor de Brighton), accompli sur ce troisième album une belle avancée, tant en termes de clarté que de maitrise de leur langage. Ce Lightbulbs éclipserait bien facilement les deux premiers albums, et il s'avère être une porte d’entrée parfaite pour qui voudrait approcher leur univers éclairé (non, je ne parlerais pas « d’album de la maturité », même si c’est tentant).

Bien plus qu’un émule moderne de Can ou de Neu! de par ses pulsations métronomiques, Fujiya & Miyagi est avant tout le groupe cérébral le plus sensuel, et sur le papier, il en devient difficile de clarifier le fonctionnement et l'efficacité de ce groove robotique. On a d’abord la voix la plus discrète et la moins puissante de l’histoire de la pop, mais qui a néanmoins le don mystérieux d’hypnotiser. Ces chuchotements rythmiques sont ce qui les démarque de toute concurrence actuelle. Les suites de mots en cascade cadencent habilement les compositions ("Vanilla, strawberry, knickbocker glory" sur Knickerbocker), le moralisateur Pickpocket dévoile l’humour facétieux du groupe, et plus loin une ballade mélancolique nous renverse avec ses paroles abstraites ("If today is the same as yesterday, tomorrow is the samest day" sur le morceau titre). David Best joue avec les mots et leurs sonorité, les répète jusqu'à l'obsession et les associent de façon insensée. Cette approche ludique de la phrase n'est pas sans rappeler Serge Gainsbourg (une influence affichée par le groupe), et il est rare aujourd'hui d'écouter un album de pop où le texte prend une position aussi centrale, à valeur égale avec la musique (Stereolab et The Fiery Furnaces sont de ces exceptions).

Lightbulbs brille encore par ce minimalisme electro funk (les guitares slides, la basse rebondie et entêtante, les nappes planantes des synthés, les claps dynamiques), une Krautpop plus rêveuse et cosmique que psychédélique. Fujiya & Miyagi réinvente la notion de rigidité, ici éclatante, sur laquelle nos neurones viennent danser.

François.

http://www.myspace.com/fujiyaandmiyagi
Extrait vidéo de l’album :
Fujiya & Miyagi – Knickbocker

dimanche 28 septembre 2008

[Tourne Disque] : Final Fantasy - Spectrum, 14th Century / Plays To Please

Spectrum, 14th Century
Label : Blocks Recording Club
Sortie : 30 Septembre 2008
5/5







Plays To Please
Label : Slender Means
Sortie : 21 Octobre 2008
4,5/5








Owen Pallett est un génie. Loin de moi l'idée de recourir à l'hyperbole pour exprimer sous une fausse objectivité toute l'admiration que j'ai pour ce jeune homme de 28 ans. Mais force est de constater que c'est un parcours impeccable qu'il trace depuis des années. Jouant terriblement bien du violon et du piano, ayant déjà écrit de nombreuses pièces classiques quand il étudiait la composition, il a débuté dans l'excellent et méconnu groupe de folk expérimental Les Mouches dont l'unique album (You're Worth More to Me Than 1000 Christians) mériterait amplement une réédition, avant de se lancer en solo sous le nom Final Fantasy (en hommage au jeu sur lequel vous avez passé des heures et des heures durant votre adolescence - enfin moi, si) et de sortir deux albums incroyables qui mêlent la musique pop aux violons. He Poos Clouds, sorti en 2006 était un véritable chef d'œuvre, rempli de morceaux d'une richesse incroyable qui montraient l'aptitude de ce surdoué à la composition orchestrale. Il a aussi fait des tas de concerts ou il était absolument seul, s'enregistrant soi même en direct sur scène pour reconstruire, couches sur couches avec ses pédales d'effet, ses morceaux. Dans le même temps, il a arrangé la plus part des violons de Arcade Fire et est parti en tournée avec eux et on a pu récemment l'entendre avec les Last Shadow Puppets auxquels il a apporté des orchestrations cinématographiques. Entre autre. Mais dès que l'accumulation sur le CV devient trop longue, les génies commencent une douce dégringolade et deviennent des ex-génies, parfois de manière affreuse (non mais vous avez écouté le dernier album de Brian Wilson?).

Ainsi donc, quand il sort 2 e.p. à la fois en CD et en vinyls (en édition un peu limité de 1000 exemplaires) en moins d'un mois pour faire patienter le public mais aussi en guise de préparation à son troisième album concept qui parlera d'un monde imaginaire où lui même serait un dieu vénéré par différents personnages (si si, ce sera Heartland, qui devrait sortir en 2009), c'est une excitation mêlée de crainte qui s'empare de l'auditeur. Mais finalement tout va bien. Non seulement ces deux e.p. sont excellents, mais certains des morceaux sont parmi les choses les plus brillantes qu'Owen Pallett n'a jamais composés.

Le premier E.P., Spectrum, 14th Century est celui qui introduit l'auditeur dans l'univers du prochain album selon les dires de son créateur, et est l'une des plus belles choses sorties cette année. C'est un univers d'une richesse incroyable qui est dévoilé en 17 toutes petites minutes. Entouré de bruits d'oiseaux et d'insectes, les 5 morceaux de cet e.p. sont une avancée incroyable dans la musique de Final Fantasy en offrant le plus bel équilibre entre des arrangements ambitieux et tout de même instantanément beaux. Rien qu'au niveau de l'orchestration, avec la participation des musiciens de Beirut. On a des cuivres, des violons, des flûtes, des percussions, de l'accordéon, le tout formant une musique étrange, riche et toute simple, d'une beauté incroyable. Le morceau Blue Imelda impressionne de maîtrise avec la présence inattendue de steel drums, ces percussions venues de Trinité-Et-Tobago qu'on entend plus dans la calypso normalement, mais qui, ici, forme un ensemble étrange, se mêlant d'une manière assez inédite aux cuivres et aux chœurs. Tout ici est prétexte à un détournement d'un exotisme trop facile en quelque chose de nouveau, comme dans Cockatrice, et son étrange rythmique brisée sur laquelle se posent des xylophones délicats. A force de mélanger les influences, Owen Pallett réussi réellement à créer un univers sonore à part comme dans le foisonnement passionnant d'un morceau comme The Butcher, émouvante composition dont le final éclatant et mélancolique réinvente totalement l'idée même de pop orchestrale. Et en guise de dernier morceau, The Ballad Of No-Face, il signe tout simplement l'un de ses plus beaux morceaux, mariant les harmonies d'une manière absolument brillante, n'hésitant pas à aller chercher la dissonance pour faire apparaître la beauté, décalant même légèrement le rythme de son chant à la fin par rapport au premier couplet pour ne jamais laisser l'auditeur dans une position confortable : toute l'exigeance de la musique de Final Fantasy est là, dans les détails absolument géniaux, et pour peu qu'on accepte de jouer le jeu, on a l'occasion d'entendre de choses superbes, comme ce piano (rappellant This Lamb Sell Condos de son deuxième album) qui vient conclure le morceau, accompagné par des criquets et autres sons de la foret. Si ces 5 morceaux sont à l'image de ceux qui formeront le troisième album de Final Fantasy, alors il ne me semble pas être trop présomptueux d'affirmer que celui ci risque fort d'être un immense chef d'oeuvre tant cet avant-gout a des allures de perfection.

Parallèlement à cela, Plays To Please, se place dans une toute autre optique mais offre aussi de magnifiques choses. Cet e.p. est composé de 6 reprises de l'artiste montréalais Alex Lukashevsky, un monsieur assez inconnu du grand public mais qui est une figure importante de la scène alternative canadienne avec son groupe Deep Dark United. Allant piocher un peu partout dans les morceaux du monsieur, qui sont certains uniquement acoustiques tandis que d'autres sont riches et remplis d'orchestrations, Owen Pallett les transpose dans une univers bien plus suranné mais tout aussi fou, accompagné pour le coup d'un orchestre de 35 membres (le St. Kitts Orchestra) parmi lesquels on retrouve Andrew Bird. La musique de Plays To Please est une chose étrange, comme une version mutante et volontairement défigurée des big bands qui jouent du easy listening, se plaçant dans l'optique d'un bazar orchestral qui n'est pas sans rappeler Van Dyke Parks. Dès Horsetail Feathers, on flotte dans un espèce de cabaret, le morceau est une véritable comédie musicale avec mélodies distinguées et instruments haut en couleurs. Le rythme est syncopé, on claque des doigts, et la très belle voix aiguë d'Owen s'envole en faisant "Oooh!". Tout ce mini-album est construit ainsi, avec des arrangements classiques, qui peuvent parfois même prêter à rire, mais c'est justement là dessus que tout se joue. Si Spectrum détourne l'exotisme, le but ici est de réutiliser tout ce qui semble absolument désuet pour transposer les morceaux de Lukashevsky dans un autre temps, un autre lieu. Jouant énormément sur la dissonance (Moodring Band, morceaux crépusculaire où les violons jouent volontairement un peu faux) et les moults surprises musicales possibles (Nun Or A Bawl, qui change le coté rauque de l'original en un véritable déluge de trouvailles mélodiques), on a donc une musique qui fait exprès de nous tendre des pièges, de nous étonner, lutant à tout prix contre l'ennui et l'idée même de confort pour offrir quelque chose d'autre d'absolument brillant, à la fois familier et bizarre,. Cela donne un e.p. totalement attachant mais aussi assez exigeant, et qui reste d'une beauté totale, pour peu que vous aimiez les violons de soirées cosy et le easy-listening complètement défiguré aux profits de chansons ambitieuses.

Bref, vous l'avez surement compris, ces deux e.p. sont absolument indispensables, il vous les faut, tombez dans l'illégalité si il le faut pour pouvoir les écouter, mais passer à coté serait une erreur absoluement terrible, une auto-flagélation involontaire. Car, à eux deux, ils forment un ensemble de 11 morceaux tous aussi géniaux les uns que les autres qui sont une démonstration éclatante de l'affirmation de départ : Owen Pallett est un génie. Et quitte à ne jamais être génial soi même, autant être heureux en écoutant ces deux courts ensembles qui sont un sans fautes musical comme on en a (trop) rarement l'occasion de l'entendre.

Emilien.

un lien : http://www.myspace.com/owenpallettmusic
ou encore www.myspace.com/ffinalffantasy

Lien vidéo de l'album :
Une version live au son un poil baveux de The Butcher tiré de Spectrum, 14th Century et joué ici juste avec un violon et des pédales d'effet, dans une tentative désespérée et magnifiquement vouée à l'échec de recréer toutes les orchestrations du morceau. Tout seul.


ET VOICI POUR VOUS, tout nouveau, le clip de The Butcher, qui est assez laid, mais on peut pas tout avoir.


dimanche 21 septembre 2008

[Tourne Disque] : Mogwai - The Hawk is Howling

Label : Wall Of Sound
Sortie : 23 Septembre 2008
1/5





L'acheter
L'essayer

Ça va commencer à suffire maintenant hein. Mogwai. Les écossais pleurnichards. Il arrive un moment où il faut grandir un peu. Le post-rock aussi d'ailleurs, si ça pouvait s'arrêter, ce serait chouette, surtout maintenant que le terme ne veut plus rien dire d'autre que "tristesse-crescendo-accords mineurs-ouin ouin". Mais en attendant, oui, Mogwai. Il va être temps de dire stop les amis, il va être temps de passer à autre chose, il va être temps de splitter, de faire n'importe quoi mais d'arrêter de nous lourder tout les 20 mois avec un nouvel album qui ressemble tellement au précédent qu'on se demande si c'est pas de l'auto-reprise permanente, un genre de concept d'auto-répétition (on ne sait jamais avec le post-rock, ça permet de faire n'importe quoi).

Soyons sérieux, Mogwai est un groupe qui s'est formé il y a 12 ans. A l'époque, c'était super révolutionnaire ou je ne sais quoi de faire un groupe instrumental, de faire un groupe qui fait des morceaux super longs avec des grands crescendos qui durent trois plombes pour arriver sur un gros climax impressionnant. Y'avais déjà mieux à l'époque, on pouvait écouter Godspeed You! Black Emperor qui, si ils étaient tout aussi émotifs, avaient le mérite incontestable d'offrir une palette de son beaucoup plus diversifiée et de construire ses albums comme des ensembles homogènes. La musique de Mogwai a toujours été homogène dans le sens où elle a toujours été la même, elle a toujours joué sur les mêmes ficelles. Que dis-je? Les mêmes cordages énormes qui ont inspiré l'un des pires groupes de la décennies, les imbuvables et émos Explosions In The Sky, eux aussi toujours actifs. Et ça continue, encore et encore, albums après albums et paf, alors qu'on s'attendait à un arret des activités, non, pas du tout, The Hawk Is Howling sort, le sixième album du groupe (mon dieu déjà?) avec sa pochette moche parce que c'est des types ironiques, les titres de morceaux rigolos (I'm Jim Morrisson, I'm Dead) parce que c'est des types ironiques, et sa musique pour les automnes grisâtres parce que c'est des types qui restent sensibles. Vous allez me dire que je n'aime pas Mogwai. C'est vrai. Je n'aime pas Mogwai. Je n'ai jamais aimé Mogwai même autant le dire, ce groupe a toujours représenté pour moi tout une frange absolument insupportable du post-rock, avec des groupes terriblement premier degré qui faisaient ou, pire, font encore des morceaux façon ouragans de larmes avec toujours leurs fichues guitares éthérées-athmosphérique englouties sous une reverbération qui donne mal à la tête. Mais à chaque fois j'essaye, et à chaque fois je m'enerve parce que c'est toujours aussi mauvais et ridicule.

Comment décrire cet album? Faisons aussi simple que le groupe. Il est long. Il est toujours pareil. Le morceau d'ouverture comporte un piano super triste, un batterie qui frappe les cymbales super fort dans un rythme lent et pesant qui est toujours le même depuis les 90's, et une suite d'accord façon bande son de la fin du monde, avec à la fin un petit clavier dans l'aiguë doublé par les traditionnelles guitares qui jouent la mélodie principale. Ensuite, y'a des variantes qui tournent en rond. On a des sons electros moches dans Danphe And The Brain, y'a seulement une mini-montée dans Local Authority ce qui donne un morceau calme parfaitement inutile, y'a un gros final bruyant dans I Love You, I'm Going To Blow Up Your School qu'on a déjà entendu dans les albums précédents, mais où le mal? Et puis, parfois, encore mieux, encore pire, le groupe se permet des morceaux un peu différents. Ici, ce sera par exemple The Sun Smells Too Loud, tout en accords majeurs gracieux et niais, avec son petit orgue qui sonne comme n'importe quel groupe indé mais en moins efficace et en plus ennuyeux, parce que le morceau est, évidemment, instrumental et, évidemment, dure 7 minutes. Et l'album s'étale comme ça, pendant un petit moment que la vie ne vous rendra, puis il s'arrête et on en a rien retenu. Cet album plaira à tout les gens qui aiment Mogwai vu qu'on a ici un groupe qui fait exactement la même chose qu'avant sans apporter même une once d'originalité à l'ensemble (ah non, ça, jamais!). Si vous n'êtes toujours pas lassés de ce style devenu stérile avec le temps, alors cet album est parfait pour vous. Pour les autres, évitez cette triste perte de temps et d'énergie d'un groupe qui est de toute façon complètement surfait.

J'ai vu ces types en live, une fois, en première partie des Pixies, en 2004. A l'époque, j'écoutais pas encore de post-rock, mais le raffut ne me déplaisait pas, j'aimais les larsens, j'étais un ado de 15 ans qui s'écoute à fond European Son du Velvet Underground, et j'étais aussi triste de par mon age et donc les assauts salés de Mogwai auraient du me plaire. Ils ont commencé à jouer, et j'ai seulement trouvé ça chiant à mourir, et je me bouchais les oreilles pour ne pas entendre les grésillements de leurs guitares lourdes et fatigantes, et c'était uniquement une fois les oreilles obstruées par mes doigts que je pouvait entendre les bribes de mélodies ennuyeuses du groupe. Dieu merci, en CD, c'est beaucoup plus simple, il suffit d'appuyer sur stop pour ne plus subir la douloureuse épreuve qu'est l'écoute de ce groupe totalement has-been qui ne fait plus pleurer que des trentenaires rabougris ou des post-ados pleurnichards qui n'ont rien de mieux à écouter.

Emilien.

un lien, un kleenex : www.myspace.com/mogwai
Lien vidéo de l'album :
Si vous voulez entendre en version live I Love You I'm Going To Blow Up Your School, et si vous voulez de la grosse montée bien grasse dont on imagine déjà la fin dès le début, c'est juste en dessous.

dimanche 14 septembre 2008

[Tourne Disque] : Madvillain - Madvillainy 2 : The Madlib Remix

Label : Stones Throw
Sortie : 23 Juillet 2008
4/5






L'acheter

Quand je parle hip-hop, j'ai toujours l'impression de dire des bêtises de par mon statut de néophyte complet, c'est encore pire que si je voulais parler musique classique. Mais hier encore, en voyant dans le métro une publicité pour le concert de Kayne West qui montrait son visage dans un effet 3D-chromé qui rappelle les cinématique des premiers jeux de Playstation, je me suis demandé si le hip-hop n'était pas un peu en train de vivre ses "années 80". Une période un peu vulgaire et too much, remplie de choses laides qui vieilliront particulièrement mal et d'albums que les générations futures écouteront en rigolant grassement. Au niveau timing, on peut dire que ça correspond. Au niveau musical, ahem, les vocoders de Lil Wayne concordent aussi. Je n'en sais rien. Cependant, au milieu de ces périodes de vaches maigres que chaque mouvement musical connaît dans son histoire, il y a toujours une poignée de types brillants qui sortent, à contre-courant, des albums immenses.

Ce fut le cas en 2004 quand est sorti Madvillainy du duo Madvillain, composé des deux génies malades MF Doom et Madlib. D'un coté, on avait un flow impérial du premier avec sa grosse voix qui broie des mots qui se suivent étrangement. De l'autre, on avait les fameux instrumentaux bordéliques et inattendus du second qui offraient à l'ensemble une fraîcheur incroyable, mettant cote à cote des vielles bande-son disco, des samples hors-sujet de vieux programmes radio, du Stevie Wonder et du Steve Reich. On avait l'impression d'écouter une mixtape bizarre faite avec beaucoup trop d'herbe, mais tout faisait sens, chaque morceau est d'une efficacité impossible tout en ne faisant aucune concession et en osant parfois afficher une originalité déroutante. C'est simple, l'auditeur n'avait a aucun moment l'impression d'être pris pour un imbécile, bien au contraire, on en ressortait tout à fait estomaqué d'avoir écouté quelque chose d'aussi formidable et éloigné des clichés du hip-hop : paroles obscures ("don't touch the mic like there's aids on it!"), morceaux courts, aucun refrain. Classique instantané. Madvillainy est devenu un chef d'oeuvre moderne du hip-hop alternatif, un album qu'on conseille aux gens qui n'ont jamais écouté ce genre de musique, un indispensable dans toute discothèque qui se respecte qui montrait les deux membres à leur meilleur niveau. (Quoi? Vous ne l'avez pas écouté? Courrez faire ça tout de suite!). Face à ce statut d'album culte qui s'est acculé au cours du temps, l'idée même d'un Madvillainy 2 était donc un genre de rêve. Le temps passa. L'hyper-actif et impatient Madlib s'est occupé, il a sorti des tas d'albums, que ce soit avec son groupe de jazz, en solo, des remixes pour Blue Note, et a surtout sorti un deuxième album solo en 2005, sous le nom de son alter-égo Quasimoto, The Futher Adventures Of Lord Quas, un album brillant, incroyablement bordélique et incompréhensible de plus d'une heure, qui va encore plus loin dans l'absurde et l'abstraction, un genre de Trout Mask Replica du hip-hop.

Mais, pressé, Madlib voulait aussi rapidement offrir une suite à la discographie de Madvillain. Sauf que MF Doom, après avoir sorti quelques albums (dont un avec Danger Mouse), a disparu un peu pendant un certain temps : il y avait des rumeurs sur des nouveaux albums qui ne sont jamais sortis, il a été accusé par certains de faire du playback sur scène, ou même prétendu mort (!). Plein de problèmes reportèrent plein de fois ce fameux deuxième album, qui était annoncé déjà en 2007. Madlib n'a pas pu attendre et a alors décider de se lancer dans un projet absolument incompréhensible : remixer l'intégralité du premier album, tout seul. Pour se faire, il a décidé de ne garder que les parties de MF Doom et a changé absolument tout le reste, les instrumentaux, les beats, les samples, les titres des morceaux, la tracklist, tout. Cela donne donc cette étrange chose qu'est Madvillainy 2 : The Madlib Remix, un album que les fans de Madvillainy ont déjà écouté, mais qui leur semble pourtant tout à fait nouveau, et qui pourrait très bien être l'original pour le néophyte tant il n'est pas un remix ordinaire. C'est un troublant processus de décontextualisation des morceaux qu'à fait Madlib ici. Par exemple, le morceau Accordion qui marchait sur un sample d'accordéon est devenu Borrowed Time, morceau hanté avec d'étranges chœurs dans le fond. Si l'original était homogène grâce à l'ambiance assez cartoon qui servait de fil conducteur aux samples, celui ci est beaucoup plus proche des expérimentations solo de Quasimoto avec structures éclatées, bout de samples qui se suivent parfois abruptement (du piano bar s'enchaîne avec du Frank Zappa), et magie de beats maigres toujours originaux. L'exercice de la comparaison s'avère donc ici assez périlleux et quasiment vain. Certains morceaux y perdent, certains y gagnent, d'autres disparaissent, d'autres sont sublimés. Strange Days était un brillant morceau autour d'un sample pop terriblement efficace. Transformé en Can't Reform Em, il y tourne un genre de funk 70's étonnant. Comme une mélodie qui évolue selon les modulations harmoniques, le flow de MF Doom semble être lui même différent une fois déplacé à cent lieues de son morceau original sans pouvoir dire réellement si cela sonne mieux. A la fois différent et similaire dans l'esprit, ce remix ne peut pas se voir comme un apport à l'album original ni réellement comme une oeuvre à part entière, et le juger serait difficile de par le fait qu'il arrive 4 ans après l'original et qu'il est dur d'être objectif face à une version défigurée avec soin d'un album déjà formidable : on perd peut être l'impact et l'efficacité de Madvillainy, le tout est parfois peut être un peu faible. On en sait rien.

Mais peu importe, il faut bien le dire, nous aussi nous étions tout aussi impatient que Madlib d'entendre la suite des aventures du duo, et ce remix est un véritable plaisir à écouter, qui amène l'auditeur d'une trouvaille à une autre tout en l'entraînant dans des territoires qui semblent connus mais qui se révèlent être tous plus aventureux les uns que les autres. Derrière cet exercice de style quasiment oulipien (raconter la même histoire en changeant tout les mots!), nous avons ici encore la preuve que le stakhanoviste Madlib est un véritable visionnaire qui allonge de jour en jour d'albums brillants une discographie déjà impeccable. Le hip-hop n'est pas mort. Il est bien portant. Il a 34 ans et il est en ce moment même en studio avec MF Doom pour finalement enregistrer la vraie suite de Madvillainy. Tout va bien.

Emilien.

un lien : www.myspace.com/madvillain
Lien vidéo de l'album :
Pour pouvoir vous même apprécier la différence entre l'original et le remix, voici donc deux fois le même morceau, tout d'abord en 2004 sous le nom ALL CAPS


Et puis finalement dans la version remixée en 2008, sous le nom Never Go Pop. Oui, c'est très différent. Tout l'album est comme ça.

mardi 9 septembre 2008

[Tourne Disque] : The Last Shadow Puppets – The Age of the Understatement / The Rascals – Rascalize

The Last Shadow Puppets – The Age of the Understatement
Label: Domino
Sortie: 25 Avril 2008
4/5



L'acheter
L'essayer

The Rascals – Rascalize
Label: Deltasonic
Sortie: 23 Juin 2008
3/5




L'acheter
L'essayer

Il était temps qu’on évoque The Last Shadow Puppets, duo composé d’Alex Turner (Arctic Monkeys) et de Miles Kane (The Rascals), responsables d’un des meilleurs disques de l’année. On sait le succès qu’a rencontré cet album (tant critique que public), mais il serait aussi injuste d’en oublier un autre, celui du groupe de Miles Kane, sorti deux mois plus tard. Même s’il n’est pas évident de le concevoir, ces deux albums sont parfaitement complémentaires, et forment une sorte de dyptique illustrant ce qu’il se fait de mieux en matière de pop et de rock en 2008.

The Age of the Understatement est le blockbuster raffiné du lot, armé du producteur James Ford (aussi crédité à la batterie) et d’Owen Pallett du groupe Final Fantasy pour les orchestrations. L’album nous prouve ici qu’Alex Turner a un vrai talent d’écriture et un goût immodéré pour la pop sixties. Basée sur une musique de film à grand spectacle, cette symphonie pop à l’ancienne, aux mélodies à la fois simples et envoutantes, est sans artifices. Que ce soit pour l’écriture à quatre mains ou le chant à deux voix (tour à tour ou en chœur), on sent que les deux compères maitrisent leur projet. Des chevauchées cinématographiques dans le grand froid soviétique (le morceau titre The Age of the Understatement), un western spaghetti épique (Only the Truth), et de formidables odes à la pop romantique des années 60 (Meeting Place, Standing Next To Me) : les amateurs de lyrisme baroque sont comblés. On pense forcément un peu à The Corals, on sait qu’ils sont influencés par Scott Walker (c’est sûrement surligné au stabylo dans le dossier de presse), et c’est surtout l’ombre d’Ennio Morricone qui plane au dessus des morceaux en format cinémascope. Plus personnellement, Black Plant me rappelle avec ses violons mélancoliques les musiques de films français de l’époque Bébel (retour direct en enfance), et In My Room le thème de James Bond. On l’aura compris, le cinéma n’est jamais très loin avec les Last Shadow Puppets.

A première vue, Rascalize serait le pendant électrisé et urgent de The Age Of The Understatement. Mais c’est un peu plus que cela. Entendons nous d’abord sur la pochette maladroite, qui laisse présager un groupe de rock désuet et passéiste, un énième clone post-Libertines de plus. Se bloquer sur ce préjugé serait une grossière erreur. Je me suis même mis à la découverte de ce disque à reculons : « l’album du groupe de Miles Kane, le petit mec qui a aidé Turner à composer l’album des Last Shadow Puppets? » Ah ! Un deuxième préjugé. Il est bon de les voir se démentir. Je dirais au contraire que Miles Kane est à l’origine de la poussée créatrice et de la force mélodique des Last Shadow Puppets. Il confirme sur ce disque son talent vocal : au dessus des guitares électriques, un chant affirmé et puissant, entre douce agressivité et grandiloquence maitrisée, qui se marie bien souvent avec les grands espaces dessinées par le groupe. Ces compositions, à la production moins léchée, sont parsemées d’une multitude de petits détails aventureux (les larsens et la basse motorik de Does Your Husband Know That You're On The Run?, le changement de tempo brutal d’Out of Dreams, les vocalises de western héroïque sur Bond Girls et The Glorified Collector), qui font un lien direct avec l’album du duo. On retrouve cette même dimension cinématographique, à la seule différence que tout est joué ici par une formation rock, se plaçant sur un versant plus grave et accéléré. Plus important : comme sur The Age Of The Understatement, les chansons de Rascalize ne sont pas musclées par des gimmicks attrayants pour combler un vide, rien n’est calculé, ils restent à l’essentiel, enchainent les riffs et les ambiances sans lourdeurs.

On pourrait penser que le succès du duo, porté par l’aura d’Alex Turner, soit pour beaucoup dans la reconnaissance publique des Rascals (sortir de l’anonymat), et c’est évidemment vrai. Mais en réalité, certaines bonnes idées de The Last Shadow Puppets mijotaient déjà sûrement depuis longtemps dans la tête de Miles Kane. Pourtant, l’un complète l’autre, The Age Of Understatement serait le grand frère mûr du plus impulsif et imprévisible Rascalize.

Maintenant on ne peut qu’espérer qu’Alex Turner, nourri de sa collaboration fructueuse avec Miles Kane, nous concocte très vite avec ses potes des Arctic Monkeys un album dans cette même veine, digne de ce nom. Ainsi le trypique pourra être formé.

François.

http://www.myspace.com/thelastshadowpuppets
http://www.myspace.com/rascalmusic
Extraits vidéos:
The Last Shadow Puppets – The Age of the Understatement

The Rascals – Out of Dreams

dimanche 7 septembre 2008

[Tourne Disque] : Sonic Youth - SYR 7 / SYR 8






Sonic Youth - SYR 7 : J'Accuse Ted Hughes / Agnès B. Music

Label : SYR
Sortie : 22 Avril 2008
4/5





Sonic Youth - SYR 8 : Andre Sider Af Sonic Youth
Label : SYR
Sortie : 28 Juillet 2008
4/5


C'était en 1983, Sonic Youth venait de sortir son formidable premier album, Confusion Is Sex, et Jim O'Rourke - un jeune homme qui écoutait du John Cage à l'époque - a un ami qui lui dit "hé, Jim, toi qui aime les trucs bruyants, écoute ça, Sonic Youth, c'est super noisy, ça va te plaire". Peu de temps après avoir écouté l'album, Jim revoit son ami, lui rend l'album en lui disant d'un ton snob "Ça? Mais c'est PAS NOISY! Il faudrait que ce soit plus noisy que ça pour que j'aime!". En 2000, Jim O'Rourke intégrait Sonic Youth pour 5 ans après avoir participé depuis quelques années à des enregistrements expérimentaux avec le groupe.

Il y a toujours eu deux Sonic Youth. Un Sonic Youth qui écrivait des morceaux comme Teenage Riot, voir 100%. Un autre (noisy donc!) qui faisait des larsens interminables, qui collaborait avec des pointures de la noise music, qui sortait des albums d'improvisations sur des labels indépendants. Si les deux ont toujours été intimement liés, il y a eu des moments ou chaque s'est exprimé séparément, et c'est au sein des Sonic Youth Recordings (les SYR) que les plus importants moments d'expérimentations se sont joués. Depuis 1997, cette collection nous propose des enregistrements souvent instrumentaux de longues compositions et improvisations assez complexes et exigeantes. Et, cette année, ce sont deux additions qui ont rejoint ce court mais riche catalogue. Attention, ne nous méprenons pas et ne pensons pas que c'est un retour de Sonic Youth vers l'experimentation brute après le très pop Rather Ripped en 2006, ces enregistrements ayant de 3 à 8 ans. Il faut plutôt les voir comme des témoignages d'un passion pour l'expérimentation que corroborent les nombreux albums solos bruyants de chacun des membres du groupe.

Le SYR7 est peut être le meilleur de la série et il présente une période extrêmement créative et aventureuse du groupe, même si on conviendra sans mal que cet album est moins extrème que d'autres dans la collection (je pense particulièrement au SYR 4 qui était consacré à des reprises de musique classique dite contemporaine). Extrêmement brutal et dissonant sans pour autant tomber dans le pur ramassis de bruit sans but, il est composé d'un morceau live improvisé datant de 2000 qui a ouvert leur concert au festival All Tomorrows Parties (avant qu'ils se lancent pour le reste du concert dans des morceaux parfois encore instrumentaux de leur album NYC Ghosts & Flowers qui n'était pas encore sorti, autant dire que le concert n'a pas fait l'unanimité) et d'un jam assez calme, voir même quasiment ambiant datant de 2003 fait pour une créatrice de mode assez connue, pour ne pas citer agnès b, et qui rappelle les meilleurs moments du fantomatique et complèxe A Thousand Leaves.

Ces deux enregistrements sont donc en cela des compléments essentiels à l'écoute des brillants albums de Sonic Youth de cette période "expérimentale froide" (pourrait on dire un peu maladroitement) allant de, disons, 1995 à 2000. Il faut entendre l'immense J'Accuse Ted Hughes pour comprendre, avec ses 20 minutes infâmes et poisseuses, morceau bordélique à souhait avec une Kim Gordon absolument parfaite de bout en bout crachant à tout va d'étranges "i will fuck you/you're a poet" pendant que Thurston et Lee massacrent leurs guitares pour créer un lourd drone extrêmement prenant Aucun temps mort pendant le morceau, la tension est continue et ne retombe jamais. Le tout garde une vitalité incroyable et une puissance à couper le souffle et compte sans aucun doute comme l'un des moments improvisés les plus brillants que Sonic Youth a jamais fait parmi ceux qu'un enregistrement a permis d'immortaliser, évidemment. Rien que pour ce morceau, le SYR 7 est un album important dont l'écoute se relève être, pour quiconque est amateur de déflagrations soniques de qualité, un plaisir immense.

Mais la suite est tout aussi colossale dans le SYR8. Il faut pourtant toujours se méfier des bons castings. Surtout en musique noise. La rencontre de gens prestigieux fait souvent croire à des collaborations extrêmement fructueuses et des improvisations de haut vols. Sauf que, souvent, on se retrouve avec des albums un peu boursouflés et vains. Autant dire qu'une rencontre sur scène qui impliquait le groupe légendaire Sonic Youth accompagné à l'époque du surdoué Jim O'Rourke et rejoint pour l'occasion par l'excellent saxophoniste free Mats Gustafsson et, surtout, le stakhanoviste déifié japonais Merzbow ne pouvait être que deux choses : un gâchis improbable ou une réussite brillante et bruyante.

Tant mieux pour nous, cette fois-ci c'est réussi et ce live joué au festival de Roskilde (juste avant une prestation de Black Sabbath, qui ont du sonner comme de la bossa nova comparé à ça) se place tout à coté du SYR7 avec un long morceau de presque une heure extrêmement riche. Il n'y a au début que Kim Gordon, qui chante de sa voix rauque et Steve Shelley sur scène, et ils se lancent dans un morceau presque normal. Puis, rapidement, des membres se rajoutent, le morceau se déconstruit, Thurston et Lee arrivent sous des applaudissements, puis vient Jim O'Rourke un peu plus tard. Cela donne la première partie du morceau, remplie de larsens et rythmée de temps à autre par le jeu de batterie exceptionnel d'un Steve Shelley, dont on ne rappelle jamais assez le rôle clé au sein du groupe. Les guitares forment des murs de sons inouïs, un marécage sonique formidable, où aucune guitare ne prend le dessus et rappelle en cela les premiers SYR, une espèce de musique ambiant hardcore nourrie des sonorités si uniques de Sonic Youth. Mais c'est quand arrive Mats Gustafsson que tout démarre réellement. Dès la première note, il apporte à l'ensemble une tension fascinante : son saxophone hurle à la mort et semble se débattre. La batterie frappe de plus en plus fort sur les cymbales pour former un bruit continu, quand soudain, dans le fond, on entend des couches de parasites. Merzbow est entré sur scène et commence à lancer, depuis son ordinateur, les sons électroniques sur-aigus et bruyants qu'il maltraite depuis plus de vingt ans, à un rythme de quatre albums par an minimum.

Et c'est à ce moment là, au juste milieu de l'album, quand ils sont absolument tous sur scène que l'on atteint la quintessence du morceau. Il serait impossible de décrire par des mots l'implacable beauté convulsive qui se dégage de cet instant où tout les musiciens font ensemble un raffut impeccable. Tout n'est que tonnerre, tout n'est que jouissance, et Kim Gordon hurle et souffle dans un trombone au milieu de tout ça, impériale, brute, déesse du bruit au milieu des plus beaux sons du monde. La magie de cet instant là, c'est ce qu'il manque la plus part du temps à ce type d'albums. Mais ici, cette magie est là et elle se prolonge, même quand Kim Gordon et Steve Shelley quittent la scène pour laisser s'affronter dans un duel à mort les autres. Ils tombent tous un à un et leurs silences sont comblés par ceux qui restent, et qui du même coup redouble d'efforts. Ils ne sont plus que trois à la fin : Jim qui maltraite les sons les plus aigus possibles sur sa guitare, Mats qui souffle comme si sa vie en dépendait avec un virtuosité totale, et Merzbow, monstreux et stoïque au milieu de tout cela, qui lance des couches de bruits étouffantes, et qui restera seul à la fin, pour quatre dernières minutes, lente décélération chaotique après une heure d'assauts sans fins. Applaudissements.

Pour ceux qui n'avaient toujours pas compris que Sonic Youth sont les maîtres du noise rock, voici donc des rappels salutaires et jouissifs qui, mine de rien, enterrent pas mal de groupes de noise rock récents qui n'arrivent pas du tout à trouver la même fougue, la même vie, le même coté violent mais pas imperméable dans les couches de larsens ; voila enfin du noise rock qu'on a envie d'écouter plusieurs fois, si si, prenez en de la graine bruiteurs ennuyeux qui sortez 4 cassettes homemade nulles par an.

Emilien.

www.myspace.com/sonicyouth
Lien Vidéo de l'album :
Il y a quelques liens Youtube qui trainent pour montrer de courtes séquences du live qui constitue le SYR8, mais la meilleure vidéo a été postée par le groupe lui même sur son site, et il propose de la télécharger. Voici le lien direct. On y voit Thurston Moore faire des choses bizarres, puis Jim O'Rourke remuer un cable pour faire du bruit pendant que Mats souffle en boucle (n'oublions pas que la noise music, c'est aussi des performances physiques souvent). La vidéo se termine par Merzbow, stoïque et seul, dans les 4 dernières minutes du concert, avant que Thurston vienne remercier le public.
http://sonicyouth.edgeboss.net/download/sonicyouth/mainpagevids/othersides.mp4

vendredi 5 septembre 2008

[Tourne Disque] : Bloc Party - Intimacy

Label: Wichita Recordings/ Atlantic (Us)
Sortie: 21 Août 2008 (version digitale)
1/5








C’est le genre d’albums qu’on n’attend pas vraiment car aucune annonce n’avait vraiment été faite. Plus précisément si ; il était annoncé comme étant moitié expérimental/moitié rock avec un côté plus abouti, plus ambitieux, blablabla le discours habituel. Mais arrivé le jour de sa sortie on se rue tous dessus. On s’empresse de l’écouter. Pour certains il s’agit de se faire son avis. Pour d’autres l’excitation provoquée par la sortie « surprise » du dernier opus de leur groupe préféré tient de l’urgence.

C’est un moustique qui a dû piquer certains journalistes français. La dengue, la fièvre jaune ou le palu, on ne sait pas vraiment. Un journaliste des inrocks a osé déclarer qu’ « on ne compare d’ailleurs jamais assez souvent Bloc Party à Radiohead ». J’ai dans un premier temps cru à une blague puis je me suis rassuré en me disant qu’il avait certainement dû recevoir la copy promo en urgence et qu’on lui avait commandé la chronique pour le lendemain matin. Et qu’il avait alors certainement dû se mettre un Red Bull au frais, couper Mail, Safari et tous les autres logiciels mobilisant de façon trop importante ses facultés intellectuelles et s’affairer à torcher une chronique minute. La minute est d’ailleurs le temps que j’ai réussi à supporter le troisième morceau.

Je parle du troisième car les deux premiers ne sont, à mon sens, pas si pourris que ça. Ils seraient une sorte de pré-album un peu plus innovant et annonçant une suite encore plus ambitieuse. Publicité mensongère car ladite piste arrivée je suis retourné…en troisième justement. A l’époque j’étais encore malléable, j’écoutais du Marylin Manson, du Korn et du Sepultura et mes potes allaient sniffer de l’eau écarlate au Super U à la pause du midi. Quelques temps après je découvrais Limp Bizkit, Sum 41 et Blink 182 et me demandais si le bon sens m’autorisait pareille faute de goût. Certains albums ont des années d’avance, « Intimacy » a introduit un nouveau concept, celui du retro-album. Prenez un genre, bon ou pas, concentrez vous sur les points les plus stéréotypes et reprenez les, si possible avec la même médiocrité.

La question pourrait être : « est ce que je dois décrire cet album ? ». Et bien oui. C’est un peu comme si vous vous engagiez dans une pente avec vos « Kriptos* » ; au bout de quelques secondes vous compreniez qu’il n’y a plus rien à faire, foutu pour foutu autant continuer. C’est un peu le cas ici, les deux premiers morceaux laissent croire à une évolution du groupe, à une once d’originalité qui nous aurait suffit à leur attribuer la correcte note de 3/5, note que j’apprécierais avoir quand je sortirai mon premier album. Le problème est que la malchance initiée par les Kriptos va être accelerée dès le troisième morceau et celle-ci va s’acharner sur le reste de l’album. Sabotant chaque titre ; rouillant les cordes de la basse, faisant fondre les peaux du batteur, encrassant les cordes vocales du chanteur et sacrifiant le maigre espoir qu’avait créé « Silent Alarm ».

Les ¾ restant de l’album rassemblent tous les clichés du « rock fm à la U2 » (c’est un genre officiel): traitement de voix à la truelle, basse réduite au rôle d’impulsion électrique un peu grasse, batterie qu’on soupçonnerait d’avoir été troquée contre une magnifique boite à rythmes héritée des illustres 80’s.

« Intimacy » surprend par son incroyable capacité à faire pire à chaque fois. La voix n’est même plus là pour sauver le tout, on dirait qu’Okereke (le chanteur) a subit une ablation d’octaves, c’est monotone, tout dans le même registre, tant « sauvé » par le traitement à la U2, tant déterré par une énième fausse envolée de riffs, sursauts de basse et changements de rythme tous plus incertains que mes chances de gagner un Grammy.

Je suis certainement méchant mais j’ai pour habitude d’encenser le bon. Avec le mauvais on est obligé de dire la vérité, l’humeur faisant le reste. Car comparer un des groupes les plus innovants de la décennie à un pâle gloubiboulga sans saveur ; mixture composée des pires recettes qui ont fait la gloire de la Fm, succession de chansons juste bonnes à être jouées sur Guitar Hero, ce n’est pas bien.

Mais tout est relatif car « Intimacy » est sorti sur internet (officiellement) 3 mois avant sa sortie CD et c’est peut-être là l’unique comparaison qu’on pourrait faire avec Radiohead.

Christopher.

*Kriptos : marque de roues pour patins à roulettes qui a par extension remplacé l’expression patins à roulettes pour le mot Kriptos. On ne disait plus « attends je reviens je vais chercher mes patins à roulettes » mais « Ziva attend je vais get mes kriptos ».

http://www.myspace.com/blocparty
Extrait Video:

Clip du titre Mercury