vendredi 30 mai 2008

[Tourne Disque] : Fuck Buttons - Street Horrrsing

Label: ATP Recordings
Sortie:
17 Mars 2008
4/5







Il est parfois possible de trouver des étrangetés rebutantes au premier abord, mais dont finalement les effets peuvent agir de façon bienfaitrice sur nos émotions. Imaginez les plages ambiantes de Boards Of Canada, brassées avec le primitivisme des musiques japonaises (appelées Japanoise), mais qui serait ici composé et programmé.

La musique contemplative des Fuck Buttons nous envahit par de grandes coulées de lave électroniques compressées en formes de drones, se déversant sur des beats tribaux et des claviers planants très Floydiens. Plus loin, sans nous avertir, vont se superposer de longs screams inouïs et cacophoniques, qui au bout d’un moment ont presque un effet hypnotisant.

La matière à admirer dans ce disque est dense et profonde, et une fois pris dans le tourbillon, on voudrait que ces 6 morceaux relativement longs (entre 8 et 10 minutes) se continuent sans fin jusqu’à ce que l’on soit pris dans une sorte de somnolence à la fois calme et perturbée.

Premier album impressionnant pour ce duo de Bristol, dont on sait déjà qu’ils feront longue date dans le milieu de la musique électronique expérimentale, car Street Horrrsing est tout sauf une musique qu’on peut oublier. Et après 45 minutes passées à écouter cette apocalypse distordue, on a compris une chose : le bruit peut avoir des vertus relaxantes.

François.


http://www.myspace.com/fuckbuttons
Extrait vidéo de l'album:
Fuck Buttons - Okay, Let's Talk About Magic

mardi 13 mai 2008

[Tourne Disque] : Portishead - Third

Label: Island Records
Sortie: 28 Avril 2008

5/5








Après 10 ans d’absence, le groupe culte des années 90 nous rassure : Portishead est tout aussi indispensable en 2008, avec un retour qui se justifie pleinement, et qui semble alors vital. Ce disque est un miracle : hors du temps, hors des modes, et contre toute attente, Third a été accouché par un groupe entièrement métamorphosé par le temps et les remises en question.

Il ne faut pas s’attendre à retrouver un Portishead parodiant leurs deux premiers disques. Ils ont bien compris que le Trip Hop des années 90 est bien mort et enterré et que les auditeurs avides de nouveautés en sont définitivement lassés. Ne se reposant pas sur le succès de leurs précédents singles (Glory Box, Only You), ils nous offrent un disque d’une beauté noire monstrueuse, à l’architecture dantesque, porté par l’âme de Can et des Silver Apples (We Carry On). Le choc est aussi frontal que le Kid A avant-gardiste de Radiohead de 2000.

Le miracle Portishead nous apparait alors clairement : Third, n°2 des charts anglais, placé juste derrière le dernier disque lifté et R’n’B de Madonna, est un objet expérimental, aventureux, nourri de la transe répétitive du krautrock, des musiques industrielles, et des dissonances de Sonic Youth. Sans pour autant se laisser écraser par ces nouvelles influences, Portishead ne délaisse pas leur goût pour les atmosphères élégantes et raffinées, ici perverties de bout en bout par des lames de guitares métalliques (Hunter), un saxophone furieusement perturbant (Magic Doors) ou des boucles de claviers psychotiques (Small). Portishead n’a pas son pareil pour mixer le beau et l’étrange, l’émerveillement et l’angoisse, le confort et l’inconfort, le plus souvent dans un même morceau. Cette mutation donne un nouveau visage au groupe, aux traits plus fins, plus profonds aussi, magnifiés par l’âge.

L’apport créatif des trois musiciens n’a jamais été aussi équilibré : une triforce dont chaque membre parait indispensable ; Geoff Barrow avec ses rythmes hypnotiques, batteries martiales, et sons industriels ; Adrian Utley avec sa guitare noisy et tendue, ses synthés à consonances cosmiques ; et Beth Gibbons : un chant possédé, tour à tour rassurant, ou inquiétant, toujours captivant, sur des mélodies soul et plaintives.

Les compositions nous emmènent loin, peut être trop pour certains, pour nous mettre dans une situation d’inconfort jouissif. Car chaque chanson évolue avec l’idée de l’inattendue, sans jamais nous prévenir où cela va nous mener. Le début de The Rip nous place confortablement dans un salon à la lumière tamisée, au bord du feu (chant doux et jazzy, petites notes de guitare sèche), puis dès le milieu du morceau, on se sent brutalement projeté dans un long voyage psychédélique rappelant la fin de 2001 : L’odyssée de l’espace (déluge de notes électroniques en escalier). A l’écoute de ce disque diablement généreux, j’aimerais leur dire qu’on en demandait pas tant, d’un groupe qui n’était en l’occurrence voué à ne revenir que d’une façon inopportune.

Quand au single Machine Gun, agressif et lancinant, tiraillé entre le bruit contrôlé de Geoff Barrow et la mélodie harmonieuse de Beth Gibbons, il ne faut pas le voir comme un choix courageux voulant mener à un suicide commercial, mais bien comme la volonté de ne pas tromper les gens, par souci de cohérence, avec un morceau s’alignant avec la rigueur oppressante de l’album.

J’ai bien peur de me laisser aller dans un élan un peu grandiloquent en statuant Third de chef d’œuvre. Mais de tels disques, aussi évidents et imposants, sont aujourd’hui tellement rares, qu’on a le droit de s’enthousiasmer sans limites.

François.

http://www.myspace.com/PORTISHEADALBUM3
Extrait vidéo de l’album :

Portishead – We Carry On

mardi 6 mai 2008

[Tourne Disque] : Gonzales - Soft Power

Label : Mercury/Universal
Sortie : 7 Avril 2008
4/5








Producteur émérite, compositeur de génie. Gonzales n’a, semble t-il, plus rien à prouver. Soft Power était depuis longtemps attendu. Tout était annoncé, « Gonzales revient », « Gonzales va chanter », « Gonzales est un génie ». Force est de constater qu’il partait avec un gros capital confiance. Difficile néanmoins d’anticiper la chose tant « Chili Gonzales » aime prendre risques sur risques, changer de genre à chaque album, quitte à se casser la patte. Impossible de partir sans a priori. Avant qu’il soit dans notre platine, on savait déjà ce qu’il y aurait : du chant mielleux, des cœurs à la Bee-Gees, des nappes de piano funky et plein d’autres choses.

Le tout commence excellemment bien. Working Together et son intro entêtante est efficace, au bout d’un refrain on connaît la chanson par cœur, on se prend même au jeu en bougeant la tête. Slow Down étanche notre curiosité et vient confirmer toutes les rumeurs; les cœurs, les congas, les Hollywood strings, le chant, la batterie… tout y est. C’est avec un sentiment de joie qu’on s’apprête à aborder le reste de l’album.

Et bam, en pleine gueule le troisième titre change la donne. Ça commence par un piano, toujours avec Gonzo, puis par une batterie, mais le piano revient et on comprend que le reste de l’album ne sera pas aussi joyeux qu’escompté.

Il aura beau me dire en interview que j’ai trouvé ça triste parce que je l’ai cherchée cette foutue tristesse, il aura beau me parler de modes majeurs, des modes mineurs et des harmonies, Gonzales a berné tout le monde.

Et c’est peut-être ça sa force, ne pas aller là où on l’attend. Créer le fantasme, l’espoir, assouvir les pulsions de ses auditeurs et les frustrer comme pour mieux les avoir dans sa poche. Unrequited Love n’a rien de mielleux, du moins pour la partie hors chorus, c’est violent, le « Power » du « Soft », Gonzales aime les contraires.

On passera les titres suivants pour arriver au jouissif Let’s Ride. Plus 70’s tu crèves, plus pop il n’y a pas, plus caricatural non plus. L’auditeur est satisfait il a eu sa dose, il est alors prêt à entamer la suite sans crainte. Gonzales comme voulant rincer toutes les années 70 nous donne un C Major rappelant un Love’s in Need of Love Today de Stevie Wonder. Ah la belle époque !! Singing Something vient fermer la marche d’une manière assez incongrue. On sent la contradiction de cet album.

Et à l’issue des 10 titres c’est un peu ça qu’on ressent, une grosse frustration de n’en avoir pas eu assez et en même temps trop. On ne comprend pas où il voulait en venir, on voulait des 70’s, on les a mais on en veut encore. On s’attenait à du piano, il y en a mais un peu trop. Soft Power résume en lui même la démarche de Gonzales: prendre des risques quitte à déplaire, quitte à trop plaire. Gonzales réussi là où Sébastien Tellier (oui je m’acharne) a échoué : surprendre.

Christopher.

http://www.myspace.com/gonzpiration
Extrait vidéo de l’album :

Gonzales – Working Together