mardi 13 mai 2008

[Tourne Disque] : Portishead - Third

Label: Island Records
Sortie: 28 Avril 2008

5/5








Après 10 ans d’absence, le groupe culte des années 90 nous rassure : Portishead est tout aussi indispensable en 2008, avec un retour qui se justifie pleinement, et qui semble alors vital. Ce disque est un miracle : hors du temps, hors des modes, et contre toute attente, Third a été accouché par un groupe entièrement métamorphosé par le temps et les remises en question.

Il ne faut pas s’attendre à retrouver un Portishead parodiant leurs deux premiers disques. Ils ont bien compris que le Trip Hop des années 90 est bien mort et enterré et que les auditeurs avides de nouveautés en sont définitivement lassés. Ne se reposant pas sur le succès de leurs précédents singles (Glory Box, Only You), ils nous offrent un disque d’une beauté noire monstrueuse, à l’architecture dantesque, porté par l’âme de Can et des Silver Apples (We Carry On). Le choc est aussi frontal que le Kid A avant-gardiste de Radiohead de 2000.

Le miracle Portishead nous apparait alors clairement : Third, n°2 des charts anglais, placé juste derrière le dernier disque lifté et R’n’B de Madonna, est un objet expérimental, aventureux, nourri de la transe répétitive du krautrock, des musiques industrielles, et des dissonances de Sonic Youth. Sans pour autant se laisser écraser par ces nouvelles influences, Portishead ne délaisse pas leur goût pour les atmosphères élégantes et raffinées, ici perverties de bout en bout par des lames de guitares métalliques (Hunter), un saxophone furieusement perturbant (Magic Doors) ou des boucles de claviers psychotiques (Small). Portishead n’a pas son pareil pour mixer le beau et l’étrange, l’émerveillement et l’angoisse, le confort et l’inconfort, le plus souvent dans un même morceau. Cette mutation donne un nouveau visage au groupe, aux traits plus fins, plus profonds aussi, magnifiés par l’âge.

L’apport créatif des trois musiciens n’a jamais été aussi équilibré : une triforce dont chaque membre parait indispensable ; Geoff Barrow avec ses rythmes hypnotiques, batteries martiales, et sons industriels ; Adrian Utley avec sa guitare noisy et tendue, ses synthés à consonances cosmiques ; et Beth Gibbons : un chant possédé, tour à tour rassurant, ou inquiétant, toujours captivant, sur des mélodies soul et plaintives.

Les compositions nous emmènent loin, peut être trop pour certains, pour nous mettre dans une situation d’inconfort jouissif. Car chaque chanson évolue avec l’idée de l’inattendue, sans jamais nous prévenir où cela va nous mener. Le début de The Rip nous place confortablement dans un salon à la lumière tamisée, au bord du feu (chant doux et jazzy, petites notes de guitare sèche), puis dès le milieu du morceau, on se sent brutalement projeté dans un long voyage psychédélique rappelant la fin de 2001 : L’odyssée de l’espace (déluge de notes électroniques en escalier). A l’écoute de ce disque diablement généreux, j’aimerais leur dire qu’on en demandait pas tant, d’un groupe qui n’était en l’occurrence voué à ne revenir que d’une façon inopportune.

Quand au single Machine Gun, agressif et lancinant, tiraillé entre le bruit contrôlé de Geoff Barrow et la mélodie harmonieuse de Beth Gibbons, il ne faut pas le voir comme un choix courageux voulant mener à un suicide commercial, mais bien comme la volonté de ne pas tromper les gens, par souci de cohérence, avec un morceau s’alignant avec la rigueur oppressante de l’album.

J’ai bien peur de me laisser aller dans un élan un peu grandiloquent en statuant Third de chef d’œuvre. Mais de tels disques, aussi évidents et imposants, sont aujourd’hui tellement rares, qu’on a le droit de s’enthousiasmer sans limites.

François.

http://www.myspace.com/PORTISHEADALBUM3
Extrait vidéo de l’album :

Portishead – We Carry On

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Pas de commentaires!! Mais c'est honteux.

Quelle bien belle critique pourtant.

Merci de nous faire rêver <3