Label : Slender Means Society
Sortie : 9 Septembre 2008
4,5/5
C'était presque le rêve de Zac Pennington, chanteur et tête pensante du projet Parenthetical Girls. Après un premier album co-produit par le leader de Xiu Xiu, et très proche d'ailleurs de la scène électro-folk à fleur de peau de ce groupe, il a eu l'idée, en 2005, d'un album bien plus ambitieux, un véritable "Song Cycle", cela dans les deux sens du terme. D'un coté, se placer dans la lignée de pop orchestrale de l'album du même nom de Van Dyke Parks (qui le groupe a t-il mis dans une mixtape pour décrire les influences de l'album? Parks, voilà qui, je ne suis pas qu'un monomaniaque qui veut placer le nom de son chouchou partout). De l'autre, de réaliser tout simplement un "cycle" de chansons qui raconteraient une véritable histoire en formant un grand tout. Mais un projet pareil demande de l'argent et une certaine science de l'arrangement, ce que cet autodidacte n'avait pas. Préférant laisser tout cela de coté en attendant, le groupe a sorti entre temps en 2006 un album plus proche du premier, un peu lo-fi, un peu électro, un peu folk, nommé Safe As Houses. A l'issue de la sortie de cet album, couronnée de critiques très positives, le groupe a été rejoint par différents multi-instrumentistes et s'est alors à nouveau penché sur ce projet. Finalement, avec l'aide de Jherek Bischoff (du groupe The Dead Science), au bout de 3 ans de travail et de sessions avec des tas de musiciens, Entanglements était terminé. Un album ambitieux mais très éloigné du son habituel du groupe, que ce soit sur les précédents albums ou même encore aujourd'hui en live, ce qui désappointa certains fans obtus, ainsi que certains critiques qui passèrent rapidement à autre chose, parfois en se moquant de ces post-ado écorchés qui s'étaient poudrés de trompettes.
Erreur monumentale, Entanglements est un outsider démentiel qui mérite qu'on s'intéresse à lui, et vite, tant il est l'un des albums les plus beaux et les plus réussis de notre année finissante. Au niveau de la forme, sa très grande force, c'est la puissance de ses compositions appuyées par les arrangements denses mais délicats qui les magnifient. Dès le premier morceau, Four Words, on est emporté dans un tourbillon d'instruments lancés à toute vitesse. Les violons s'envolent, des vibraphones résonnent, le piano martèle des accords majestueux, une harpe égrène quelques notes venues du ciel, des petites flûtes naviguent dans l'harmonie, des castagnettes claquent, tout cela explose dans un carnaval de lumière à l'efficacité redoutable, même dans les territoires dangereux et parfois effleurés de la dissonance. Tout l'album se place dans cette beauté là, surannée mais distinguée, semblant venir parfois de la musique classique dans la forme, mais sans jamais perdre de vue l'aspect terriblement pop que peut prendre un orchestre, si tant est qu'on sache l'utiliser. Ce n'est sans doute pas un hasard si le groupe reprend le magnifique et déprimé Windmills Of Your Mind, morceau popularisé par Dusty Springfield aux USA mais co-composé à la base par le géant Michel Legrand (oui, le monsieur des Demoiselles de Rochefort, entre autres), qui était lui aussi un maître du refrain parfait baigné dans des instrumentations sophistiquées. On en vient même à penser à des compositeurs contemporains comme Gavin Bryars au début du morceau-titre, avec ses couches de cordes habilement composés, tout ça avant que le morceau explose dans une mini-symphonie jouissive. C'est dans ces moments épiques, ou quand les morceaux se lancent dans des ambiances façon Big Band 30's, comme dans le parfait Unmentionables, que le groupe se place clairement en digne successeur de Van Dyke Parks. C'est dans ces moments là que la conversion du groupe vers la pop orchestrale est la plus géniale et montre qu'ils ont tout compris, de la même façon qu'un Owen Pallett dans son projet Final Fantasy ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'on pense à son He Poos Clouds ou ses derniers e.p. en écoutant Entanglements.
Mais toute cette débauche de moyen n'est jamais vaine, et n'est là que pour contraster avec la tristesse qui habite toute l'oeuvre. On l'a dit, cet album était sensé raconter une histoire, et c'est justement là que Entanglements contraste avec l'image qu'on peut se faire de la pop orchestrale : en effet, les 11 morceaux parlent avec une violence invisible de sexualité adolescente, d'une histoire d'amour entre un garçon de 25 ans et une fille de 14 ans, de peines, de joies, de désir, de peur, parfois avec une certaine crudité. Construit en deux parties et décrivant le passage de l'adolescence à l'âge adulte, l'album évolue, et les morceaux prennent ainsi peu à peu un tour plus tragique, quasiment mélodramatique, mais en jouant avec subtilité avec le pathos. De la mélancolie souriante des premiers morceaux, on tombe rapidement dans des compositions sublimes et déprimées, comme dans le sublime Young Eucharists avec ses clavecins qui portent en eux toute la tristesse du monde quand ils appuient sur des accords qui prennent aux tripes. On est presque dans une ambiance funèbre dans Abandoning, et sur l'éblouissant final qu'est This Regrettable End, dont le titre est déjà explicite, on ne peut s'empêcher de penser aux compositions d'un Danny Elfman, à la fois magnifiques et tirant des larmes : en quelques accords déprimés, portés par des choeurs fantomatiques, les violons font frissonner, et l'on rêverait que cela ne finisse jamais. Il y a une simplicité et une universalité dans ces instants qui est précieuse et rare. Mais ce qui transmet totalement à l'auditeur toute la puissance émotionnelle de cet album, c'est la voix de Zac Pennington, véritable clé de voûte de l'ensemble. C'est quand elle s'envole dans des falsettos sur le fil du rasoir en plein milieu de mélodies incroyablement composées que l'album atteint son apogée. Souvent, elle tremble, elle vibre, elle se déplace entre le grave et l'aigu, entre délicatesse et envolées, mais elle appuie toujours quand il faut, soulignant toute la détresse des personnages qu'elle fait vivre. C'est peut être cela qui déplaira à certains, cette voix qu'on pourra trouver ridicule, ou trop maniérée. Mais c'est justement parce qu'elle porte en elle des émotions crues mais simples que l'album en est si touchant et si beau. Et c'est par la conviction de cette voix que l'on y croit, et qu'à aucun moment l'album ne tombe dans le larmoyant.
Voyage pour les tympans et véritable coup au coeur, l'album des Parenthetical Girls est précieux, tant il réussi son pari orchestral avec brio et sans jamais perdre les émotions brutes qu'il cherche à transmettre à l'auditeur. Qu'on y rit ou qu'on y pleure, les 32 minutes d'Entanglements sont absolument brillantes, puissantes et émouvantes. Un album à découvrir absolument. Le pathétique est rarement aussi sublime.
Emilien.
un lien : www.myspace.com/parentheticalgirlsband
Extrait vidéo de l'album :
Le clip de "A Song For Ellie Greenwich" (qui était une chanteuse pop des 60's pour mémoire )
Parenthetical Girls - "A Song For Ellie Greenwich" from judesays on Vimeo.
Sortie : 9 Septembre 2008
4,5/5
C'était presque le rêve de Zac Pennington, chanteur et tête pensante du projet Parenthetical Girls. Après un premier album co-produit par le leader de Xiu Xiu, et très proche d'ailleurs de la scène électro-folk à fleur de peau de ce groupe, il a eu l'idée, en 2005, d'un album bien plus ambitieux, un véritable "Song Cycle", cela dans les deux sens du terme. D'un coté, se placer dans la lignée de pop orchestrale de l'album du même nom de Van Dyke Parks (qui le groupe a t-il mis dans une mixtape pour décrire les influences de l'album? Parks, voilà qui, je ne suis pas qu'un monomaniaque qui veut placer le nom de son chouchou partout). De l'autre, de réaliser tout simplement un "cycle" de chansons qui raconteraient une véritable histoire en formant un grand tout. Mais un projet pareil demande de l'argent et une certaine science de l'arrangement, ce que cet autodidacte n'avait pas. Préférant laisser tout cela de coté en attendant, le groupe a sorti entre temps en 2006 un album plus proche du premier, un peu lo-fi, un peu électro, un peu folk, nommé Safe As Houses. A l'issue de la sortie de cet album, couronnée de critiques très positives, le groupe a été rejoint par différents multi-instrumentistes et s'est alors à nouveau penché sur ce projet. Finalement, avec l'aide de Jherek Bischoff (du groupe The Dead Science), au bout de 3 ans de travail et de sessions avec des tas de musiciens, Entanglements était terminé. Un album ambitieux mais très éloigné du son habituel du groupe, que ce soit sur les précédents albums ou même encore aujourd'hui en live, ce qui désappointa certains fans obtus, ainsi que certains critiques qui passèrent rapidement à autre chose, parfois en se moquant de ces post-ado écorchés qui s'étaient poudrés de trompettes.
Erreur monumentale, Entanglements est un outsider démentiel qui mérite qu'on s'intéresse à lui, et vite, tant il est l'un des albums les plus beaux et les plus réussis de notre année finissante. Au niveau de la forme, sa très grande force, c'est la puissance de ses compositions appuyées par les arrangements denses mais délicats qui les magnifient. Dès le premier morceau, Four Words, on est emporté dans un tourbillon d'instruments lancés à toute vitesse. Les violons s'envolent, des vibraphones résonnent, le piano martèle des accords majestueux, une harpe égrène quelques notes venues du ciel, des petites flûtes naviguent dans l'harmonie, des castagnettes claquent, tout cela explose dans un carnaval de lumière à l'efficacité redoutable, même dans les territoires dangereux et parfois effleurés de la dissonance. Tout l'album se place dans cette beauté là, surannée mais distinguée, semblant venir parfois de la musique classique dans la forme, mais sans jamais perdre de vue l'aspect terriblement pop que peut prendre un orchestre, si tant est qu'on sache l'utiliser. Ce n'est sans doute pas un hasard si le groupe reprend le magnifique et déprimé Windmills Of Your Mind, morceau popularisé par Dusty Springfield aux USA mais co-composé à la base par le géant Michel Legrand (oui, le monsieur des Demoiselles de Rochefort, entre autres), qui était lui aussi un maître du refrain parfait baigné dans des instrumentations sophistiquées. On en vient même à penser à des compositeurs contemporains comme Gavin Bryars au début du morceau-titre, avec ses couches de cordes habilement composés, tout ça avant que le morceau explose dans une mini-symphonie jouissive. C'est dans ces moments épiques, ou quand les morceaux se lancent dans des ambiances façon Big Band 30's, comme dans le parfait Unmentionables, que le groupe se place clairement en digne successeur de Van Dyke Parks. C'est dans ces moments là que la conversion du groupe vers la pop orchestrale est la plus géniale et montre qu'ils ont tout compris, de la même façon qu'un Owen Pallett dans son projet Final Fantasy ; ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'on pense à son He Poos Clouds ou ses derniers e.p. en écoutant Entanglements.
Mais toute cette débauche de moyen n'est jamais vaine, et n'est là que pour contraster avec la tristesse qui habite toute l'oeuvre. On l'a dit, cet album était sensé raconter une histoire, et c'est justement là que Entanglements contraste avec l'image qu'on peut se faire de la pop orchestrale : en effet, les 11 morceaux parlent avec une violence invisible de sexualité adolescente, d'une histoire d'amour entre un garçon de 25 ans et une fille de 14 ans, de peines, de joies, de désir, de peur, parfois avec une certaine crudité. Construit en deux parties et décrivant le passage de l'adolescence à l'âge adulte, l'album évolue, et les morceaux prennent ainsi peu à peu un tour plus tragique, quasiment mélodramatique, mais en jouant avec subtilité avec le pathos. De la mélancolie souriante des premiers morceaux, on tombe rapidement dans des compositions sublimes et déprimées, comme dans le sublime Young Eucharists avec ses clavecins qui portent en eux toute la tristesse du monde quand ils appuient sur des accords qui prennent aux tripes. On est presque dans une ambiance funèbre dans Abandoning, et sur l'éblouissant final qu'est This Regrettable End, dont le titre est déjà explicite, on ne peut s'empêcher de penser aux compositions d'un Danny Elfman, à la fois magnifiques et tirant des larmes : en quelques accords déprimés, portés par des choeurs fantomatiques, les violons font frissonner, et l'on rêverait que cela ne finisse jamais. Il y a une simplicité et une universalité dans ces instants qui est précieuse et rare. Mais ce qui transmet totalement à l'auditeur toute la puissance émotionnelle de cet album, c'est la voix de Zac Pennington, véritable clé de voûte de l'ensemble. C'est quand elle s'envole dans des falsettos sur le fil du rasoir en plein milieu de mélodies incroyablement composées que l'album atteint son apogée. Souvent, elle tremble, elle vibre, elle se déplace entre le grave et l'aigu, entre délicatesse et envolées, mais elle appuie toujours quand il faut, soulignant toute la détresse des personnages qu'elle fait vivre. C'est peut être cela qui déplaira à certains, cette voix qu'on pourra trouver ridicule, ou trop maniérée. Mais c'est justement parce qu'elle porte en elle des émotions crues mais simples que l'album en est si touchant et si beau. Et c'est par la conviction de cette voix que l'on y croit, et qu'à aucun moment l'album ne tombe dans le larmoyant.
Voyage pour les tympans et véritable coup au coeur, l'album des Parenthetical Girls est précieux, tant il réussi son pari orchestral avec brio et sans jamais perdre les émotions brutes qu'il cherche à transmettre à l'auditeur. Qu'on y rit ou qu'on y pleure, les 32 minutes d'Entanglements sont absolument brillantes, puissantes et émouvantes. Un album à découvrir absolument. Le pathétique est rarement aussi sublime.
Emilien.
un lien : www.myspace.com/parentheticalgirlsband
Extrait vidéo de l'album :
Le clip de "A Song For Ellie Greenwich" (qui était une chanteuse pop des 60's pour mémoire )
Parenthetical Girls - "A Song For Ellie Greenwich" from judesays on Vimeo.
5 commentaires:
Pffious Emilien t'écris vraiment bien.
ET cet album est effectivement une petite perle.
Un bien bel album ! Merci encore de la découverte.
Duck.
(Un jour il faudra redonner leur chance aux Dead Science, un jour peut-être, pas tout de suite, mais BON)
Bon sang, le chanteur est vraiment beau et fringuant !
Duck.
Bon sang, "fringant" pas "fringuant" !
OUAA ça aussi c'est très chouette! La faute à Deezer d'ailleurs, qui à fait plein de pub pour ce groupe.
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