Je retiendrais aussi la forte présence du label canadien Constellation Records, qui, en plus d’avoir assis la réputation de groupes cultes comme Godspeed, A Silver Mt Zion ou Evangelista (les chefs de file du psychédélisme et de l'expérimentale dotée d'une âme) s’est aussi ouvert brillamment vers des sphères plus accessibles et directes (Clues, The Dead Science, Tindersticks).
La décennie a aussi été marquée par toute une série d’albums folk, pop ou rock délicatement habillés d’arrangements orchestraux grandioses et ambitieux (Sufjan Stevens, Joanna Newsom, Parentethical Girls, Pattern Is Movement, The Last Shadow Puppets, Tyondai Braxton ou même Arcade Fire dans une moindre mesure). Tous ces albums à dimension cinématographique ont la faculté de provoquer un émerveillement total.
Les années 2000 ont enfin été closes en beauté par le trio Animal Collective/Battles/Grizzly Bear, soit le néo-psychédélisme emphatique, le math rock dansant et l’art-folk minutieuse. Leurs derniers albums respectifs portent la marque d’une certaine idée de la musique pop du futur : intelligente et dansante, expérimentale et accessible, synthétique et novatrice. Je compte évidemment sur eux pour inaugurer cette prochaine décennie en dessinant de nouvelles lignes musicales.
Nourri de Krautrock, de Free Jazz et d’electronica, le groupe Radiohead parmi les plus populaires des années 90 revient surprendre tout le monde avec un disque expérimental d’une beautée tétanisante.
2 Battles – Mirrored (2007)
Je n’avais jusque là jamais imaginé qu’une musique aussi technique et complexe puisse être aussi fun et dansante. En y prolongeant les recherches sur les boucles des minimalistes Steve Reich et Terry Riley, tout en y mettant une touche volontairement cartoon, le rock de Battles invente le concept de transe colorée.
3 Animal Collective – Merriweather Post Pavillion (2009)
On en a beaucoup parlé en 2009, et on en reparlera forcément encore pendant longtemps. Animal Collective a exploré dans sa période la plus underground de 2000 à 2004 la pop sauvage, l’électronique abstraite et le folk improvisé, et s’est depuis bâti une réputation de groupe culte en donnant à leur pop psychédélique un espace sonore gigantesque et minutieux.
4 Godspeed You! Black Emperor – Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven (2000)
S’il ne fallait retenir qu’un seul disque de Post Rock (de longs crescendos menaçants suivis par de grandes envolées soniques, à base d’une instrumentation essentiellement rock accompagnée de cordes), ce serait celui-ci. La musique épique de Godspeed va évidemment bien au-delà de cette définition, et part dans un nombre inimaginables de directions sur 1h30 (musique concrète, symphonie rock, shoegaze, ambiant, drones, violence punk, noise).
5 Tyondai Braxton – Central Market (2009)
Le guitariste et chanteur de Battles a brillamment composé sur la première face de Central Market une symphonie cartoon délirante et audacieuse, et a façonné sur sa deuxième face la musique urbaine du futur. Tout simplement.
6 Portishead – Third (2008)
Sans prévenir, le groupe de Trip Hop Portishead fait revivre le Krautrock sensuel de Can et l’électronique tribale de Silver Apples dans des sphères mainstream (le disque s’est très bien vendu) avec un album noir rongé jusqu’à l’os.
7 Grizzly Bear – Veckatimest (2009)
Les merveilles tant vocales qu’instrumentales de Veckatimest ne peuvent se dévoiler que sur la durée, jusqu’à la sensation d’avoir affaire à un monolithe à l’architecture sidérante.
8 Joanna Newsom – YS (2006)
L’enchanteresse Joanna Newsom accompagne sa harpe et sa voix infantile bizarre d’arrangements orchestraux sur un album fleuve (5 morceaux d’une durée de 7 à 16 minutes) déjà mythique. Un chef d’œuvre intemporel.
9 Cornelius – Sensuous (2006)
Le magicien Keigo Oyamada continue de réaliser sur Sensuous un pur travail synthétique sur la musique populaire (les Beatles, les Beach Boys, My Bloody Valentine, Walt Disney) pour mieux la déformer, tout en atteignant un degré impressionnant de perfection en termes de production et de recherches sonores.
10 Panda Bear – Person Pitch (2007)
Le kaléidoscope électronique de Panda Bear hypnotise par ses chants répétitifs sous formes de rituels vaudous. Un album lumineux dont les détails microscopiques ne cessent de fasciner.
11 Radiohead – Hail To The Thief (2003)
Le deuxième meilleur album de Radiohead n’est pas Amnesiac, mais bien Hail To The Thief, brillant par ce retour à cette immédiateté rock (avec des chansons plus facilement analysables) doublé d’un arrière-plan expérimental discret.
12 Animal Collective – Feels (2005)
Sur Feels, la pop ensoleillée des Beach Boys se fait sauvage, hallucinée, et traversée de contemplations litaniques profondes.
13 Vladimir Martynov – Night In Galicia (2000)
Vladimir Martynov met en musique les poèmes d’un auteur russe de la fin du 19ème siècle, inspirés de chants slaves écrits dans une langue secrète. Sur un mode répétitif ultime, avec des mélodies incantatoires fluides et des phrasés de violons doublés en contretemps, la musique mystique de Night In Galicia nous fait découvrir des vibrations et des sonorités inconnues venant d’un autre monde.
14 Hella – Hold Your Horse Is (2002)
Les deux félés d’Hella (Spencer Seim pour les acrobaties guitaristiques et Zach Hill pour la batterie polyrythmique infernale) développent une musique noise avant-gardiste à l’énergie purement rock, aussi dansante que susceptible de provoquer des maux de têtes. Un disque forcément indispensable, donc.
15 Sufjan Stevens – Come On Feel The Illinoise (2005)
Avec ce disque de folk aventureux sur les mythes de l’Illinois (on peut y trouver des chansons très classiques et intimistes comme des explosions épiques aux riches orchestrations), Sufjan Stevens affirme son talent de grand songwriter gracieux.
16 Liars – Drum’s Not Dead (2006)
Ce troisième album des new-yorkais est un immense trip hypnotique centré sur l’intensité brutale de la batterie, sur lesquels drones inquiétants de guitares et falsettos fiévreux vont participer à magnifier cette grande célébration tribale.
17 The Snobs – Albatross (2009)
L’aventure maritime proposée par les Snobs revisite la pop sixties, le Krautrock et le post punk avec une écriture personnelle d’une inventivité bluffante. Passionnant de bout en bout.
18 The Fiery Furnaces – Widow City (2007)
Une musique labyrinthique par des déconstructeurs pop : on n’est pas loin des folies cérébrales du cinéma de David Lynch. L’album majeur des Fiery Furnaces.
19 Sonic Youth – NYC Ghosts & Flowers (2000)
Avant une longue série d’albums plus classiques (de Murray Street à The Eternal), Sonic Youth démarre sa troisième décennie avec un disque urbain et radical, à l’ambiance paranoïaque. Fondamental dans la discographie du groupe.
20 A Silver Mount Zion – This Is Our Punk Rock (2003)
This Is Our Punk Rock est bien un complément essentiel à Lift Your Skinny Fists de Godspeed, dont les chants d’une fragilité désarmante atteignent les cimes de la dissonance pour mieux émouvoir.
Et voici les 30 autres disques qui m’ont le plus marqué durant cette décennie, sans classement particulier:
Arcade Fire – Funeral
The White Stripes – Elephant
The Libertines – The Libertines
Grandaddy – The Sophtware Slump
Radiohead – Amnesiac
Gorillaz – Demon Days
The Last Shadow Puppets - The Age Of The Understatement
Blonde Redhead – Melody Of Certain Damaged Lemons
The Flaming Lips – Embryonic
Grizzly Bear – Yellow House
Stereolab – Sound Dust
Deerhoof – Milk Man
Electrelane – Axes
Department of Eagles – In Ear Park
Parenthetical Girls – Entanglements
Stephen Malkmus – Real Emotional Trash
Evangelista – Hello, Voyager
Don Caballero – American Don
Magma – Ementhet-Ré
Nisennenmondai – Destination Tokyo
Dominique Leone – Dominique Leone
Marnie Stern – In Advance of the Broken Arm
Sunn O))) – Monoliths & Dimensions
Fuck Buttons – Street Horrrsing
Man Man – Rabbit Habits
Pas Chic Chic – Au Contraire
Skeletons – Money
Snowman – The Horse, the Rat and the Swan
The Dead Science – Villainaire
The Mars Volta – The Bedlam In Goliath
François.