dimanche 18 octobre 2009

[Tourne Disque] : The Snobs - Albatross

The Snobs – Albatross
Autoproduit
26 Mars 2009
5/5














Je vous avais promis en avril dernier de parler au plus vite du dernier album des Snobs (un duo français composé des frères Mad Rabbit et Duck Feeling), et c’est seulement aujourd’hui que je tiens ma promesse, 6 mois après sa sortie. Heureusement, il n’est jamais trop tard pour faire découvrir un chef d’œuvre.

Après une série d’albums de rock psychédélique lorgnant vers la noise, le krautrock, le post rock et la pop, Albatross fait figure de point culminant ultime dans la discographie des Snobs, avec un disque conceptuel hautement maitrisé et captivant du début à la fin. Le thème global est de prime abord ultra séduisant : Mad Rabbit (voix, samples, paroles) et Duck Feeling (guitares, basse, claviers) nous invitent à un voyage épique en compagnie de deux valeureux moussaillons, à travers les océans entre l'Inde et les Caraïbes. Le pari est réussi : dès Mothergoose, le deuxième morceau, les images d’une bataille maritime nocturne précédée d'une attente insurmontable s’installent instantanément dans mon esprit.

Plutôt que de comparer Albatross à tels ou tels musiciens cultes, je préfère rapprocher la musique des Snobs au cinéma de Tarantino dans la démarche : de l’art référencé qui sublime les influences, tout en innovant avec des procédés inédits. On entend clairement à l’écoute d’Albatross une musique érudite menée par deux passionnés de post punk, de krautrock et de pop sixties. Mais au lieu de s'adonner facilement à l'hommage appuyé, les Snobs optent pour une revisitation moderne de ces influences, porté par une vision aboutie et personnelle. Cette vision consiste justement à faire vivre à l’auditeur une expérience cinématographique riche, grâce à une grande fresque musicale et à une musique hybride aux multiples registres. Et depuis Melody Nelson de Gainsbourg, il est quasiment impossible de trouver des œuvres musicales françaises aussi puissamment visuelles qu’Albatross.

Tout au long de l’album, les multiples inventions instrumentales arrivent à transformer les idées musicales en matière purement palpable. La guitare expressionniste de Duck Feeling créée des mouvements identifiables par des images (la formation d’une vague, les tangages d’un bateau, une bataille maritime féroce, des courants chauds lors de l’arrivée aux Caraïbes), et les suites de notes d’une imagination folle relèvent autant des lignes contemplatives de Gus Van Sant que des traits en escalier de Marcel Duchamp (début et milieu de Caribbean). Non je n'hallucine pas, c’est cette liberté d'approche qui fait d’Albatross une musique explosant totalement les barrières entre les formes d’arts, évoquant alors pour moi autant des œuvres venant du cinéma que de la peinture ou de la musique. L’album se termine par les 10 minutes brillantes de Caribbean, un enchainement narratif de séquences bluffantes, formant une épopée lumineuse (la chorale vocale de Mad Rabbit en ouverture), inquiétante (les samples entremêlés de voix venus d'ailleurs), dansante (la guitare élastique sur la basse répétitive kraut) et surprenante, jusque dans sa chute finale. Le plaisir d’écoute est total, et Albatross sonne déjà comme un futur classique underground.

François.

L’album est téléchargeable gratuitement sur leur site officiel, et vous pouvez l'écoutez dès maintenant avec le lecteur ci dessous:

jeudi 1 octobre 2009

[Tourne Disque] : Muse - The Resistance

Label : Warner Bros
Sortie : 14 Septembre 2009
2,5/5










De groupe alternatif devenu culte chez les jeunes amateurs de rock mélodramatique au début des années 2000 (avec Showbiz et Origin of Symmetry), Muse est devenu ce mastodonte commercial, inégal et ambitieux jusqu’à l’indigestion. Dans The Resistance, on peut donc entendre au sein d’un même titre un orgue d'église, des déploiements prog lyriques et des riffs massifs à la Metallica (sur MK Ultra), ou une hystérie Queenesque menant sur des mélodies à la Lawrence d’Arabie pour terminer sur une revisitation au piano solo des Nocturnes de Chopin (sur United States of Eurasia). En d'autres mots, ils en viennent à faire tout et n'importe quoi. Au milieu de tous ces titres souvent difformes (mais surtout assez jubilatoires dans leurs enchainements), on retiendra comme vraie nouveauté Undisclosed Desire (un tube R’n’B de pop synthétique catchy), et I Belong To You, le morceau le plus réussi grâce à sa légèreté. Sur un clavier de saloon, Matthew Bellamy y interprète sa mélodie baroque la plus maitrisée, entourée de chœurs angéliques merveilleux et finement incorporés. Et lorsque le morceau se calme sur un registre fifties (avec des paroles chantées en français) avant de se relancer avec un solo de clarinette, c’est à la fois drôle et prenant.

Finalement ce qui agace le plus chez Muse (aucune cohérence d’ensemble, un pompiérisme sans limites et revendiqué) se révèle être aussi sa plus grande force. Au sein de cet amas de disques de rock populaires très policés, le trio fait preuve d’une grande liberté dans les formes, les structures et le mélange des genres (prog rock, college rock, symphonie classique, métal, R'n'B, pop). Et même si le tout est calibré FM et se noie trop souvent dans une maladresse de mauvais gout (le piano de supermarché de Resistance, le trip new age Guiding Light, la symphonie rock en trois mouvements intitulée Exogenesis), l’effort est à louer. Après 10 ans d’existence et une popularité grandissante, Muse est surement devenu le groupe de rock commercial à succès le plus foutraque. Maintenant, pour arriver à sortir de cette esthétisme de série B (leur coté nanar attachant) et passer de la cour de récréation à la cour des grands, il leur reste du chemin à faire. Diversifier impérativement leurs influences serait un bon début (entre Queen, Rage Against The Machine et Depeche Mode qui planent lourdement sur leur musique depuis 3 albums, il leur faudrait penser à s’intéresser à quelques essentiels comme, au hasard, Can ou Brian Eno). Espérer une telle chose est presque hors-sujet (du Muse mesuré et sans grandiloquence, ce ne serait plus du Muse), mais quand on pense à la révolution stylistique opérée par Talk Talk en 1991 (un passage d'une pop typiquement années 80 au raffinement post-rock le plus gracieux), on se dit que rien n'est impossible.

François.

http://www.myspace.com/muse
A regarder, cette vidéo très drôle où lors de la présentation en playback forcé de leur dernier single Uprising à la télévision italienne, les membres du groupe se sont amusés à échanger leurs places afin de déjouer la dictature promotionnelle. Nous avons donc le chanteur Matthew Bellamy à la batterie, le bassiste à la guitare et le batteur au chant. Le tout bien sûr sans que la présentatrice ne se rende compte de rien, et ce même durant l'interview où le batteur fait durer la supercherie jusqu'au bout.