dimanche 23 novembre 2008

[Tourne Disque] : Marnie Stern - This Is It and I Am It and You Are It and So Is That and He Is It and She Is It and It Is It and That Is That

Label : Kill Rock Stars
Sortie : 7 Octobre 2008
4/5







L'acheter




Cette fin d’année musicale est un peu consternante, par manque de grosses sorties attendues et de découvertes surprenantes. Les rares exceptions sont le Deerhoof, le TV On The Radio (que le Mange Disque trouve intéressant, mais n’arriverait surement pas à le juger à sa juste valeur, par manque d’enthousiasme, et pour ma part je ne pourrais lui mettre qu’un ?/5), et le deuxième album de Marnie Stern. This Is It and I Am It and You Are It and So Is That and He Is It and She Is It and It Is It and That Is That est l'antidote idéal pour se réveiller en cette période ronflante, peut être même le seul disque vraiment rock’n’roll à retenir cette année.

Ce titre interminable évoque d’ailleurs bien les longs riffs tarabiscotés avec 36 notes à la seconde, remplis de doubles croches, de triples croches (ne me demandez pas ce que ça veut dire, je ne sais pas), joués par cette guitar hero inclassable au physique de Barbie. La fameuse technique du tapping, (que vous pouvez observer ici), elle ne l’a pas acquise afin de ressembler aux références du genre (les Van Halen et autres horreurs venant du Heavy Metal, qu’elle ne connait de toute manière sûrement pas), ou pour impressionner, mais bien par nécessité. Car d’après ses dires, « avec de l’entrainement, il est bien plus facile de jouer rapidement une multitude de notes avec ses deux mains sur le manche plutôt qu’avec une seule ». Il n’y a qu’elle pour transformer cette technique habituellement moche et démonstrative (pour ne pas dire de mauvais goût) en quelque chose de totalement inventif et original. Simplement : sa tête déborde d’idées, qu’elle ne peut évacuer qu’avec sa guitare et ses dix doigts. Le surplus de technicité devient un pur outil, et non une fin en soi. Elle est donc une autodidacte qui joue du rock progressif sans le côté pompeux du genre et dans des morceaux de 3 minutes, avec une énergie punk et un chant pop haut perché complêtement décomplexé. Comme si cela ne suffisait pas, elle s’accompagne à la rythmique du batteur le plus insensé et hyper actif du moment, Zach Hill (de Hella), qui sait presque se faire oublier tout en restant efficace (un exploit), pour se dévouer entièrement à la musique de sa protégée (il l’a découverte et il produit ses disques).

L’entrée en matière de l’album est effarante de minimalisme spectaculaire (la guitare et la voix jouent sur une seule et même note répétée pendant toute la moitié du morceau sur un rythme effréné), et tout ce qui suit est un enchainement de morceaux rentre-dedans, compliqués mais funs avant tout. On a l’impression que les notions de « limites », « baisses de tension » et « raisonnables » n’existent pas dans le vocabulaire de Marnie Stern. C’est ce rock là, insouciant, généreux et un peu dingo, qu’on a envie d’écouter cette année.

François.

http://www.myspace.com/marniestern1
Extrait vidéo de l'album:
Le drôle de clip du single Transformer, où Marnie Stern joue avec les références qu’on pourrait essayer de lui coller (esthétique Glam Rock, image cheap, guitare à double manche, fumée blanche…).

dimanche 16 novembre 2008

[Tourne Disque] : Diebold - Listen To My Heartbeast

Label : Bangor Records
Sortie : 29 Janvier 2008
3,5/5





L'acheter (oui, achetez, c'est un petit label!)
L'essayer

Qu'on veuille bien m'excuser de parler ici d'un album qui est sorti il y a presque un an, mais les années sont bien trop courtes pour qu'on réalise tout ce qu'il s'y passe. Pour sûr, on écoute certains groupes, on les manque pas, on est obligé de subir des choses fades dont tout le monde parle pour se rendre compte finalement qu'il faut faire attention aux mouvements de foule. Mais, dans le même temps, on rate pleins de trucs, et c'est soudain, quand on en arrive à faire le classement des meilleurs albums de l'année qui agonise, qu'on se demande si on a pas traversé l'année musicale comme un touriste au sein d'un voyage organisé. Alors la quête des albums qu'on aurait manqués commence, on erre entre les sorties, et parfois, par chance, on tombe sur un oublié de l'histoire, et si l'on comprend bien que personne n'en ai parlé, on se dit tout même qu'on aurait pu faire attention.

Le premier album de Diebold fait parti de ceux là, et c'est in-extrémis et par hasard qu'il m'est tombé dans l'oreille, par la magie de notre Internet tentaculaire, en ayant seulement connaissance de l'alléchant line-up de ce duo montréalais : d'un coté, Ian Ilavsky, qui joue de la batterie et de la basse, de l'autre Sophie Trudeau, chargée de la basse et de la batterie (les ordres sont importants). Pour ceux qui n'ont donc pas ouvert grands les yeux à la vue de ces noms, ces deux personnes ne sont pas n'importe qui : non seulement elles sont membres du groupe A Silver Mt. Zion, mais de plus Ian fit partie de Sofa, groupe sombre et rock bien trop méconnu signé sur l'influent label Constellation dont il est de surcroît le co-fondateur, et Sophie a été membre du légendaire collectif Godspeed you! Black Emperor, entre autres projets passionnants. Duo basse-batterie quasiment instrumental, Diebold a été fondé en 2002 avec pour principe (en gros et d'après eux) "de régler en musique les conflits d'ordre politique qui pouvaient opposer les deux membres du groupes quand ils vivaient ensemble en les maximisant par le son" (pour la question du sérieux de cette affirmation, c'est vous qui voyez). Et s'il a été enregistré de façon "live" sans public, sans aucun mixage ni overdubs (à part des voix dans le premier morceau) en 2005 et 2006, il aura fallu attendre le mois de Janvier dernier pour que cet album sorte sur le minuscule label crée par Sophie, Bangor Records (label sur lequel était déjà sorti un génial album du trio The Mile End Ladies String Auxiliary en 2005, dont je vous parlerais bien si seulement c'était mon sujet).

Il ne faut pas s'attendre ici à un énième album de post-rock ou des bruits épars émaillés de laborieux passages de musique concrète tout au long d'un album triste comme un sapin de Noël en février. Non, soyez prêt, Listen To My Heartbeast porte bien son nom, et est un album de rock, de gros rock, quasiment de stoner rock, avec des relents de noise rock, un album menaçant et brutal, pas si éloigné dans son esprit du duo Lullabye Arkestra (qui est lui même signé chez Constellation, tout se recoupe). Les six titres de cet album de 35 minutes (durée parfaite) sont pour la plupart assez simples : d'un coté, une basse sale mais pas fatigante non plus, souvent jouée par Sophie, qui lance des gros riffs passés parfois ensuite en boucle dans des pédales de delay pour construire des architectures primitives. De l'autre, une batterie qui tape et ne fait que ça, n'hésitant pas à faire des breaks hard rock façon groupe qui joue dans un garage.

Quand l'album commence, on est agressé par USaid et son ambiance gros metal lourd et ses cris sans fins. Tout est sale et bruyant et l'auditeur lambda se demande ce que l'il est venu faire là. Pourtant, si on se prend au jeu, il y a quelque chose d'absolument jouissif dans la manière dont ces morceaux agressifs sont joués, et derrière cette grosse déflagration sonique, il y a des sortes de jams géniaux qui sont au delà du cool. Ecoutez par exemple des morceaux comme Sure ou Baboum Kaka Chic, et tout de suite l'ambiance change, on est quelque part entre les gros grooves hardcore et des métriques irrégulières, on est happé par cette répétition hypnotisante de riffs. Comme dans une espèce de version déglinguée et rock'n'roll de Neu!, on sait que ce qu'on entend n'a rien de terriblement original, on sait qu'on écoute depuis 3 minutes le même riff, mais on s'en fout, la fureur est là. Encore mieux, parfois on décolle carrément comme avec le formidable morceau Opéra, qui évolue d'une composition garage sur laquelle on secoue la tête pour aboutir en grande apogée majeure, final façon mini-Lightning Bolt dont on a expurgé les doubles-croches. Et même durant le morceau-titre final qui joue beaucoup plus sur les larsens dans un ensemble expérimental à faire peur, il y a soudain cette batterie qui se met en branle et tourne en boucle, rappelant le premier album des Liars ou bien même une version lo-fi de PiL.

Sorte de pas de coté étrange de deux musiciens dont on aurait jamais cru qu'ils seraient un jour si primitifs et bruts, l'album de Diebold, s'il n'est en rien un classique instantané ou un chef d'œuvre en péril, est une découverte tout à fait réjouissante, qui concilie en un même tout cohérent une violence sonique assez physique et une ingéniosité plus cérébrale : c'est exactement ce que l'on peut espérer d'un album dont le volume reste dans le rouge constamment. C'est bien simple, si vous ne prenez aucun plaisir à écouter ces raids de sons crachés par des amplis bousillés, rendez vous à l'évidence : vous n'êtes pas rock. Pis! Vous êtes trop vieux.

Émilien.
Un lien : www.myspace.com/bangorrecords

Extrait audio :
Diebold - Sure

mercredi 12 novembre 2008

[Bonus Tracks] : Evangelista, Vampire Weekend, Clinic, Pivot

Evangelista – Hello, Voyager
Label : Constellation Records
Sortie : 25 Février 2008
4/5

L'acheter L'essayer Myspace

Sur son premier album enregistré sur le label Constellation, la new yorkaise Carla Bozulich inspectait magistralement les tréfonds de l’angoisse et de la désolation, à grand renfort de voix lourdement habitées et de stridences aiguisées. Sur ce deuxième essai, elle explore avec son groupe Evangelista (nom de l'album précédent) des terres tout aussi obscures, mais où une lueur d’espoir subsiste. Hello, Voyager est bien plus varié, toujours aussi intense, et surtout moins autiste dans sa radicalité. Parmi le blues rock primaire (Truth Is Dark Like Outer Space), le cauchemar dissonant (The Frozen Dress), et l'improvisation noise debordée de percussions et de spoken words aggressifs (Hello, Voyager!), les ballades portées par de sublimes nappes de claviers et de violons viennent prendre place (The Blue Room, Paper Kitten Claw). Carla Bozulich est une diva aussi bien angélique que démoniaque, qui à travers ses aspirations expérimentales et tourmentées, n’oublie pas d’écrire de vraies chansons fascinantes.
Evangelista – Smooth Jazz



Vampire Weekend – Vampire Weekend
Label : XL
Sortie : 29 Janvier 2008
2/5

L'acheter L'essayer Myspace

Dans le genre « afro-pop », on préférera réécouter l’inventif Remain In Lights des Talking Heads sorti il y a 28 ans, plutôt que l’album ingénu et sans surprises de Vampire Weekend. C’est un peu comme le Fleet Foxes : « bien mais pas top ». Au bout de deux écoutes, on a compris leur petite recette très pensée et un peu limitée, et on passe à autre chose.
Vampire Weekend – Mansard Roof



Clinic – Do It!
Label : Domino Records
Sortie : 7 Avril 2008
3/5

L'acheter L'essayer Myspace

Les albums de Clinic se ressemblent tous, peu d’évolutions vraiment notables sont reconnaissables de disques en disques (déjà 5 au compteur). Et pourtant, on prend toujours un malin plaisir à découvrir leur nouvelle série de chansons. Ils inventent une sorte de nouvelle catégorie de groupes de rock : ceux qui sortent toujours les même albums, sans dévier de trajectoire ni baisser en qualité. Cette régularité impassible fait qu’on se sent toujours chez soi, on retrouve immédiatement tout ce qu’on aime chez Clinic : une surf-music vintage et lo-fi traversée d’électricité rockabilly, un chant doucement nauséeux évoquant le Lou Reed du Velvet Underground, une atmosphère fiévreuse qui sied bien au nom et aux déguisements du groupe (blouses blanches, masques de chirurgien sur le visage), des riffs de guitares tendues et mécaniques, la batterie imperturbable si chère au groupe, et toujours (toujours !) la fameuse chanson garage en milieu d’album. Leur monomanie, quitte à ne jamais surprendre (aucun risque d’être déçu, c’est déjà ça), est très attachante. On retiendra tout de même une mini évolution : moins de distorsion, plus de pop. Bizarrement, on en viendrait presque à leur demander de ressortir encore le même album l’année prochaine.
Clinic – High Coin



Pivot – O Soundtrack My Heart
Label : Warp Records
Sortie : 18 Aout 2008
1,5/5

L'acheter Myspace

Après Battles et Born Ruffians, le label électro Warp signe avec un nouvel espoir du rock contemporain : le groupe australien Pivot, étiqueté (à tort) de Math Rock. Grosse déception, on aurait voulu découvrir une musique moderne, faite d’innovations dynamiques maitrisées. Au lieu de cela, ils nous servent un gloubi boulga de sons électroniques triturés, bidouillés, en vain, pour des plages aléatoires sans but, avec un trop plein de claviers New Age à la Jean Michel Jarre. Il y a bien des grooves efficaces sur les morceaux In The Blood et O Soundtrack My Heart, mais cela reste trop insuffisant. De plus, ils ont cru bon de faire une impasse presque totale sur le chant, mais ils auraient dû savoir que jouer de la musique instrumentale captivante n’est pas donné à tout le monde. Leur ambition de vouloir jouer une musique stellaire et savante dépasse leur véritable capacité de mise en œuvre.
Pivot In The Blood



François.

dimanche 9 novembre 2008

[Bonus Tracks] : The Organ, Inara George, Oasis, Monkey

The Organ - Thieves
Label : Mint Records
Sortie : 13 Septembre 2008
3,5/5



J'ai un tee-shirt The Organ. Il est super joli, on y voit un orgue dont les tuyaux vont jusqu'à des nuages dans lesquels y'a des oiseaux. Rien que pour ça, ce groupe de filles ultra inspiré par les années 80 (cf. leur unique album, le très chouette Grab That Gun) a toujours été protégé dans mon petit cœur, et j'ai été très triste quand elles se sont séparés brutalement et sans donner de raisons ("y'en a trop" ont-elles dit de façon lapidaire), durant l'enregistrement avorté de leur deuxième album, en 2006. Dieu merci, voici le petit e.p. Thieves qui regroupe six morceaux inédits, dont deux en live, et qui intervient comme un dernier petit souvenir. Comprenant des choses absolument géniales que ce soit le mini tube Can You Tell Me One Thing ou l'émouvant (et acoustique!) Don't Be Angry, cet e.p. n'a pour unique défaut que le fait qu'il ne sonne pas "terminé" ; il y manque une finition qui ne se fera jamais. Ce court adieu se fait donc simplement, sans pathos, juste ce qu'il faut d'émotion quand la chanteuse, double féminin de Morrissey, chante "all that i want was here, now it's gone/don't be angry, i will die lonely". R.I.P, etc.
Can You Tell Me One Thing



Inara George (with Van Dyke Parks) - An Invitation
Label : Everloving
Sortie : 29 Aout 2008
2,5/5



C'est sans doute le raté le plus mignon de l'année, mais ça reste un raté. An Invitation est la rencontre quasiment "en famille" de Inara George, jeune femme qui a une très jolie voix et de Van Dyke Parks, arrangeur génial dont je parle trop et ami du père d'Inara. L'album est un grand déluge d'orchestrations d'un autre age comme Van Dyke Parks en a le secret sur des morceaux aimables et infiniment jolis, sur lesquels la voix d'Inara flotte très gracieusement. Alors donc, pourquoi ça marche pas? Parce que tout cela sonne creux, et notre gentille chanteuse écrit des ballades absolument transparentes. Et comme le propre de l'orchestration est d'enjoliver et pas de fabriquer, Van Dyke a beau se démener comme un diable avec des idées géniales, il ne sauve finalement rien, au contraire, on a l'impression assez affreuse qu'il en fait beaucoup trop pour sauver la chose. Ce n'est pas désagréable à écouter, il y a même de jolis morceaux, mais franchement, si vous voulez une fille qui compose des morceaux brillants et sur lesquels l'ami Parks est comme un gosse dans un magasin de jouets, autant aller réécouter Ys de Joanna Newsom, qui fait passer cette sucrerie pour de la musique d'ambiance.
Right As Wrong



Oasis - Dig Out Your Soul
Label : Big Brother
Sortie : 6 Octobre 2008
2/5



Dans la catégorie des artistes dont on sait que l'âge d'or est passé, il y a toujours une étape obligée qui les touche tous par roulement : l'album du "retour-aux-sources", le "meilleur-album-depuis-le-dernier-meilleur-qui-a-déjà-quinze-ans", l'inénarrable "retour-en-grâce-des-géants-assoupis". Un processus de seconde jeunesse savamment orchestré par les maisons de production et qui, par le truchement de quelques critiques positives, voudrait faire croire à tout le monde que, si si, pour de vrai, un groupe comme Oasis peut encore sortir un bon album. En 2008! Soyons sérieux! On peut y croire pendant les 3 premiers morceaux de Dig Out Your Soul qui offrent un groupe toujours très rock de stade, mais un peu plus subtil que d'habitude. The Turning est même un bon morceau. Mais chassez le naturel, il revient au galop, le reste est bien plus paresseux, avec des ballades insipides, un Noel Gallagher qui persiste toujours a vouloir mal chanter des morceaux à la place de son frère, des duplicatas 60's fatigants, et surtout la preuve que les morceaux de gros rock en ternaire sont une aberration (Ain't got nothin', affreuse chose). Cela nous fait 4 morceaux écoutables. C'est vrai que par rapport aux derniers albums du groupe, c'est beaucoup.
The Turning



Monkey - Journey To The West
Label : XL Recordings
Sortie : 18 Aout 2008
3/5



Écouter la B.O. d'un spectacle sans voir le spectacle, voilà bien quelque chose de problématique. Y'a toujours de ces passages décontextualisés qui semblent un peu inutiles, alors qu'ils ne choquent pas une fois pris dans la progression d'une œuvre globale. On a beau être Damon Albarn, c'est exactement pareil quand on sort les musiques de son opéra Journey To The West en cd, en version "electro" (parait-il). S'il est intéressant d'entendre un Damon Albarn qui n'a que très rarement été aussi expérimental, il faut tout de même avouer que tout les morceaux instrumentaux de moins de deux minutes ne sont pas vraiment convaincants, surtout quand ils sont plombés de sons électroniques ou d'effets un peu maladroits. En dehors de quelques passages orchestraux très beaux (Sandy The River Demon), il n'y a guère que les "vraies" chansons qu'on retiendra, sortes de bonnes faces-b de Gorillaz chantées en chinois, particulièrement celles de la fin de l'album comme Monkey Bee qui finit en une formidable explosion qui nous rappelle pourquoi Damon Albarn reste, tout de même, un héros pour nous tous. Pas de quoi non plus tomber à la renverse.
The Living Sea


Émilien.

mercredi 5 novembre 2008

[Tourne Disque] : Animal Collective - Water Curses

Label : Domino Records
Sortie : 5 Mai 2008
5/5





L'acheter
L'essayer

Les musiciens intègres d’Animal Collective ne cessent d’aller de l’avant. Sur cet EP, ils retrouvent le foisonnement expérimental de leurs albums sortis dans l’anonymat avant Sung Tongs, et prolongent en parallèle l’extase pop de Feels et de Strawberry Jam. S’il peut être considéré comme leur disque le plus abouti à ce jour, il est aussi le plus énigmatique. C’est un peu comme un film de David Lynch : les plus consternés par les milles enchevêtrements d’idées compliquées abandonneront dès le milieu, les autres tenteront de se déconnecter de leur confort habituel, pour tenter de s’acclimater à l’anormal et de comprendre l’inexplicable.

D’entrée de jeu, ce premier paragraphe pourrait faire passer Water Curses comme une musique complètement rasoir et décourageante. Mais il faut savoir que nos quatre sorciers font partie des plus grands faiseurs de mélodies vocales de notre époque. Leur musique repose avant tout sur cela : des suites de ritournelles enjouées, euphorisantes, imprévisibles, libérées de tout maniérisme. Et les paysages électroniques minutieux et bouillonnants qui tournent autour apportent une dimension éminemment visuelle.

Après le manège infernal du premier morceau Water Curses (il faut reconnaitre qu’on ne sait plus trop où donner de la tête après ces trois minutes tourbillonnantes), on entre dans des eaux troubles d’un calme trop suspicieux. Car en réalité, il y a dans ces vingt minutes de musique plus d’inventivité que dans la grosse majorité des albums indie surévalués que les Inrocks essaient de nous vendre chaque semaine. Si bien qu’il faut plusieurs écoutes pour être envahi par les ondes chamaniques du groupe. Ce mini-album n’est pas fait pour les auditeurs distraits : il s’écoute attentivement, pour s’imprégner de chaque son émanant des boucles électroniques marécageuses, des notes de piano en pluie et du chant méditatif ou illuminé d’Avey Tare.

Un voile de brouillard semble obscurcir notre esprit pendant tout le disque. L’effort nécessaire pour l’évacuer se révèle être un jeu passionnant. Pour saisir pleinement la force hypnotique de ce labyrinthe aquatique, il faut travailler l’écoute, s’accrocher aux mélodies, les penser, prendre ses repères. Beaucoup vont le reprocher : l’écoute de Water Curses n’a rien d’instinctif. Et c’est ainsi qu’on ira contre l’idée qu’une musique n’est valorisable que par ses simples effets directs sur l’auditeur. Une fois la partition déchiffrée, on comprend que tout est magistralement orchestré, structuré, que chaque morceau a un début, un milieu et une fin. On s’étonnera alors à se balader aisément parmi les chemins de traverses et les passages tortueux, comme si c’était notre propre terrain de jeu, et s’émerveiller devant les pics mélodiques saisissants (le gospel tropical à la fin de Cobwebs, les notes glissantes de Seal Eyeing), qui nous avaient totalement échappées auparavant. Après ce passage presque obligé, cette musique complexe peut alors se vivre pleinement. Qui mieux que les chamanes d’Animal Collective pouvaient transposer sur disque le principe du rite initiatique ?

François.

www.myspace.com/animalcollectivetheband
Extrait de l'album :
Animal Collective – Water Curses

dimanche 2 novembre 2008

[Tourne Disque] : Love Is All - A Hundred Things Keep Me Up At Night

Label : What's your Rupture?
Sortie : 11 Novembre 2008
4/5









Dans le vivier pléthorique des groupes d'indie rock des 00's finissantes, Love Is All fait partie de l'élite. Leur premier album, c'était la pop 60's et le post-punk qui dansent ensemble, un ensemble de morceaux entêtants enrobés d'une production originale et avec plein de petits gimmicks rendant ce groupe reconnaissable au milieu des autres, que ce soit la présence d'un saxophoniste dans le groupe, ou la chanteuse avec son accent et sa manie de dire parfois les paroles plutôt que de les chanter. Et puis, il fallait une ironie formidable pour sortir un album où tout les morceaux se ressemblent un peu, et oser l'intituler, d'après les paroles d'un morceau, Nine Times That Same Song. Love Is All était donc le groupe le plus cool possible, et autant dire qu'après ça, quand j'ai appris qu'ils sortaient leur second album, je me suis tout de suite mis en condition. Comprendre : j'étais prêt à être déçu.

On le voyait venir de loin le coup du deuxième album qui ressemble trop au premier, avec des morceaux qui n'offrent plus les mêmes choses qu'avant, c'est de l'ordre du stéréotype. Love Is All a exactement fait ça. Le groupe est tombé dans tout les pièges. Dire du mal de cet album sans l'avoir écouté est facile, plein de gens vont le faire, il suffit de copier/coller des critiques envers n'importe quel second album décevant de n'importe quel groupe et de les mélanger avec d'autres du premier album. La production n'a pas bougée, c'est toujours le coté Wall of Sound lo-fi avec plein de pré-amplis dans lesquels les fréquences basses ont été supprimées, elle est juste peut être plus dense. C'est même pas la suite, c'est la version 2.0. Sauf que voilà la différence : le groupe s'en sort quand même avec brio. Ne me demandez même pas comment ils ont réussis ce tour de force, mais c'est le cas. Ils ont refait quasiment le même album, et il est bien. On ne se dit à aucun moment que c'était mieux avant. Au contraire, il est tout aussi réussi. Voir même parfois mieux quand on écoute certains morceaux! Bon sang de zut! Je ne sais plus quoi faire. Ils m'ont eus. Ils sont trop forts. Mes avis n'ont plus aucune valeur. Je suis décrédibilisé. C'est comme si j'aimais le dernier Oasis. Cette chronique va s'arrêter là, j'abandonne.

Non.
Attendez.

Je vais quand même dire pourquoi cet album est l'un des albums les plus amusants de l'année, de ceux qui ne laissent jamais tomber l'auditeur et qui seront toujours là pour lui remonter le moral. A Hundred Things Keep Me Up At Night, c'est son nom, est rempli de ces morceaux absolument géniaux qui ont un couplet qui vous fait secouer la tête de manière fort stupide (c'est pas grave, vous êtes tout seul devant votre écran) puis ensuite un refrain qui vous fait chanter en yaourt avec des chœurs parfaits, parfois un peu mélancoliques. C'est comme ça sur Movie Romance, un morceau qui peut ne venir que de gens qui ont tout compris au terme de pop. Idem sur l'immense Sea Sick que je vous met au défi de ne pas trouver addictif (non mais ces chœurs à la fin! et la rythmique façon we will rock you du refrain!). Tout fonctionne. Wishing Well n'est pas kitsch avec son refrain pourtant remplis d'orgues à la Blondie. Last Choice a une rythmique disco qui devrait rentrer à l'Unesco tant elle est pillée n'importe comment par tout le monde, mais tout ce qu'il y a à retenir c'est que le morceau passera en boucle sur votre iPod avec ses petits xylophones. Les ballades se prennent pour du Jesus & Mary Chain? Ce n'est pas un problème non plus. Rien n'est un problème ici. Ça passe. Parfois de justesse. Mais finalement, aucun morceau ne déçoit, c'est encore plus efficace qu'avant. Cet album est tellement rempli de fougue que rien ne l'arrête. Par honnêteté intellectuelle, je pourrais vous dire que tout de même, ça change pas beaucoup vraiment, y'a pas beaucoup de prises de risques, vraiment, là, ils ont pas fait leur Kid A, c'est toujours pareil, je pourrais dire "hé, bah, pour la peine, je met pas une bonne note, on se fout de nous, je refuse ça!". Mais franchement, franchement, je m'en fous tellement! Cet album est trop bon pour que je pinaille sur des problèmes qui ne piquent les yeux que quand ils viennent de groupes antipathiques.

Love Is All, c'est des copains. Si j'avais leur adresse, je leur enverrais des cartes postales pendant les vacances. Et ce nouvel album est, dans son genre, une prouesse, un petit chef d'oeuvre et l'une des choses les plus efficaces de l'année. C'est tout ce que je retiens.


NB pour les autres groupes de rock indépendant qui travaillent sur leur deuxième album après un premier qui a été applaudit par tout le monde : Love Is All est une exception. Ça n'arrive qu'une fois sur cent. Votre deuxième album à vous sera nul. N'essayez même pas. La prochaine fois, je le jure, je me ferais pas avoir.

Émilien.

Un lien : www.myspace.com/loveisall8

Lien vidéo de l'album :
Le clip de Wishing Well, fait par le groupe n'importe comment, en tournée, sur une plage.